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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1882.djvu/107

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DE L’USAGE ET DE L’ABUS DE LA PÉDAGOGIE

De même, n’apparaît-il pas aux yeux de tous, que le bon sens, ou le sens pédagogique qui n’en est que l’application, ne peut que gagner en finesse et en sûreté s’il s’exerce à contrôler l’expérience individuelle par l’expérience collective, celle du présent par celle du passé, s’il s’accoutume par cette comparaison à mieux distinguer les germes infructueux des germes féconds, ce qui est solide de ce qui n’est que spécieux, ce qui est naturel de ce qui est arbitraire ? Quoi de plus raisonnable que de demander aux maîtres qui nous ont précédés des exemples et ’ des conseils, de ne pas faire sottement table rase, de fonder autant que possible le présent sur le passé, et de nous rendre compte en particulier de ce que comporte notre tempérament national ? Or tout cela, c’est l’histoire même des doctrines pédagogiques appliquées à l’éducation.

Qu’on ne s’imagine donc pas faire preuve de bon sens ou d’esprit en dénigrant la science nouvelle. Elle n’est nouvelle que par l’importance considérable qu’on lui donne aujourd’hui, et qui résulte le plus naturellement du monde des nécessités de notre régime démocratique et laïque. Elle est autant française que germanique ou anglaise ; nous cherchons vainement pourquoi nous céderions à d’autres pays une sorte de privilège on ce domaine, nous qui avons tenu école durant les trois derniers siècles avec des maîtres tels que Rabelais, Montaigne, les hommes de Port-Royal, Fénelon, Mme de Maintenon, J. 3. Rousseau, Mme Necker de Saussure, le Père Girard, etc. Certes, s’il est une tradition qui mérite de s’appeler française, et dont les étrangers eux-mêmes nous fassent honneur, c’est précisément la tradition pédagogique : il serait étrange que, sous prétexte de patriotisme, on nous fit, de par le bon sens français, défense de la continuer.

Et néanmoins les appréhensions que l’on entend quelquefois exprimer ne sont peut-être pas, si on les examine de près, sans quelque fondement. On a raison de penser que les principes, les règles, les procédés, la science théorique ou pratique, expérimentale ou historique, la pédagogie en un mot, loin d’être tout dans l’éducation, n’est mème pas le principal, qu’elle n’est qu’un simple auxiliaire. Le savoir le plus abondant et le plus correct, en cette matière, les méthodes les mieux garanties par