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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1882.djvu/108

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REVUE PÉDAGOGIQUE

l’expérience et par l’histoire, ne suppléent pas la qualité pédagogique par excellence, à savoir le libre mouvement, le coup d’œil prompt et sûr d’un esprit sain et bien cultivé, qui n’est l’esclave d’aucune méthode, la dupe d’aucun procédé, qui renouvelle sans scrupule ses moyens d’expression et d’action, et qui obéit en cela à une logique intérieure plus souple, plus variée dans ses allures et non moins serrée que la logique de l’école. En ce sens, on a raison de dire, en rappelant le mot de Pascal sur l’éloquence, que la véritable pédagogie se moque de la pédagogie.

C’est précisément cette liberté souveraine de l’esprit, cette activité spontanée, cette curiosité toujours en éveil, cette faculté de création ou, plus modestement, d’invention, de perfectionnement, de renouvellement incessant, que l’on peut craindre de voir, non pas étouffée, mais gênée, diminuée, faussée par un appareil scientifique trop compliqué. Tant de règles et de moyens, de doctrines et de modèles, destinés à atteindre plus sûrement les diverses facultés de l’âme, risquent tout ensemble d’’affaiblir chez le maître l’activité originale et de lui masquer, sous le luxe des descriptions, soit la véritable nature humaine, soit surtout la nature individuelle à laquelle il a affaire. D’une part, il se peut que le ressort personnel en soit déprimé, et de l’autre que les formules savantes remplacent la vie véritable, la riche diversité des esprits.

La pédagogie historique elle-même, si propre à nous préserver d’erreurs déjà condamnées par l’expérience, et qui, en outre, nous rend l’incomparable service de féconder notre génie national en lui infusant à propos ce que le génie de l’étranger a de meilleur, risque aussi, par limitation, de nous égarer de notre voie naturelle et de nous énerver. Sans doute il nous est bon, sous peine de subir les effets ordinaires de l’isolement, tels que l’infatuation, l’engourdissement, la stérilité, de nouer des rapports étroits avec des nations qui ont fait preuve de vitalité, comme l’Allemagne, la Suisse, l’Angleterre, les États-Unis. Les écrivains étrangers se recommandent souvent à nous par leur manière ou plus profonde, plus intérieure en quelque sorte que la nôtre, ou plus pratique, moins désintéressée, de considérer les choses de l’éducation ; mais qui ne voit qu’en nous prêtant à ce commerce intime, nous gagnerions peu à nous laisser