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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1882.djvu/511

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DE L’ÉDUCATION DES FILLES

ler de Mme de Caylus et de Mlle d’Aumale, quelle physionomie plus sérieuse tout ensemble et plus charmante que celle de « la petite Pincré », et de tant d’autres ! Même dans la piété, qu’elle donne pour fondement à la vertu, elle écarte les raffinements, les scrupules, les fausses délicatesses, les ragoûts d’oraison. Elle a en vue la terre, non le ciel. « L’institut n’est pas fait pour la prière, mais pour l’action. » L’habit monastique y était interdit. Elle l’appelait elle-même « une manière de collège ». Certes, nous concevons aujourd’hui un idéal d’éducation plus large dans ses programmes et plus libre dans son esprit. Mais cet effort de préparation à la vie, poursuivi, au début surtout, avec le sentiment exact des besoins de l’enfance, place, à certains égards. Mme de Maintenon au nombre de ceux qui ont affranchi l’éducation des femmes. Elle a été, comme on l’a dit[1], la première institutrice laïque ; et aujourd’hui encore, malgré les différences profondes de mœurs et d’intérêts qui séparent les temps, ce n’est pas sans profit que, dans le détail des préceptes au moins, on prendrait conseil de son expérience et de sa raison.

Le dix-huitième siècle a laissé vivre l’œuvre qu’elle avait entreprise ; il ne l’a pas adoptée. Les héritiers de Louis XIV semblent ne pas la reconnaître. C’est à Fontevrault, par les Bénédictines, que Louis XV fait élever ses quatre filles ; en regard de la fondation de Mme de Maintenon, il élève et protège les Thomasiennes de l’Enfant-Jésus et les Ursulines de Versailles. Les pratiques du couvent ont repris le dessus. Saint-Cyr lui-même s’était de plus en plus transformé tristement. Moins de quarante ans après la publication du traité de Fénelon, Rollin reproduisait les mêmes plaintes sur la négligence apportée à l’éducation des filles[2].

  1. Saint-Marc Girardin, Étude sur J.-J. Rousseau t. II, chap. xii.
  2. « Quelques abbayes s’étaient particulièrement dévouées à l’éducation des filles de qualité, écrit Mme Campan. Penthemont et le Port-Royal ont réuni dans leurs murs tous les noms illustres de la France et plusieurs princesses : les filles des riches créoles y étaient aussi envoyées dès leurs plus jeunes années. Il y régnait un luxe extrême, auquel aucune loi ne pouvait mettre de frein. Les pensionnaires en chambre, qui, n’étant point soumises à la règle de la maison, avaient des femmes de chambre, un parloir particulier, et vivaient dans leur intérieur avec une grande liberté, attiraient trop facilement les élèves, qui, par la volonté de leurs parents ou la médiocrité de leur