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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1882.djvu/516

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REVUE PÉDAGOGIQUE

pour les couvents[1], commence par déclarer que le premier devoir de la femme est, quand elle peut, de conserver ses enfants. Mirabeau voudrait « que les jeunes filles ne sortissent jamais de dessous la garde de leur mère ». C’est ainsi qu’a été élevée Victorine, l’aimable fille du Philosophe sans le savoir. L’un des premiers principes, enfin, établis par Talleyrand, c’est que l’éducation de la fille appartient à la famille.

Mais si l’internat, tel que les couvents du dix-septième siècle en présentaient le type, répugnait à l’esprit nouveau, l’éducation privée, telle que la concevaient les philosophes du dix-huitième siècle, pouvait-elle s’accommoder à une société remuée de fond en comble par la Révolution, où les devoirs avaient été étendus et multipliés avec les droits, où les classes, rapprochées et confondues, allaient chaque jour davantage s’engager dans la mêlée de la vie ?

L’éducation privée ne peut être qu’un privilège. Combien est-il de mères qui aient le loisir d’élever seules leurs filles, ou les moyens de se décharger de ce soin sur une institutrice qui les supplée à côté d’elles, au foyer ? D’incessantes occupations absorbent la femme dans le ménage : l’assistance qu’elle doit à son mari, le souci du bien-être commun, les relations nécessaires à la vie sociale. Pût-elle suffire à tout, il faut compter avec la difficulté de suivre en même temps l’éducation d’enfants de différents âges, les accidents de santé, les malheurs mêmes qui viennent se jeter au travers de l’existence la mieux réglée et rompre les intentions les plus fermes. Lorsque Fénelon loue la dame de qualité, qui lui a demandé son avis, de prendre en main la direction des études de sa fille[2], c’est qu’elle n’a pas d’autre enfant et qu’elle est libre de s’y appliquer. Autrement, comme on l’a dit agréablement[3], ce n’est plus l’éduca-

  1. « Depuis l’époque où Fénelon écrivait, dit Mme Campan, les couvents étaient successivement tombés dans un grand discrédit, Les jeunes filles n’y entraient plus, à moins d’être orphelines ou incommodes à leurs mères ; elles y séjournaient seulement six mois ou un an pour leur première communion. » (Lettre au comte de L…) Et plus loin : « On ne passait ordinairement dans les couvents que les deux dernières années de l’éducation. »
  2. Avis à une dame de qualité.
  3. Mme Campan.