Page:Revue pédagogique, second semestre, 1882.djvu/515

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
507
DE L’ÉDUCATION DES FILLES

il ne déplaît jamais de se placer en deçà ou au delà de l’opinion commune, repousse même le concours de ces maîtres étrangers, de ces baladins chamarrés, comme il les appelle, qui errent à travers les grandes villes, de leçon en leçon, si bien « que, dans la famille même, il ne reste plus d’asile pour la retraite, et qu’on est en public jusque chez soi[1]. » Sophie est élevée comme Émile, loin de tout commerce. Elle n’a eu de maître à chanter que son père, de maîtresse à danser que sa mère ; si un organiste du voisinage lui a donné sur le clavecin quelques leçons d’accompagnement, depuis elle l’a cultivé seule. C’est l’exagération paradoxale d’une idée raisonnable ; mais l’idée raisonnable continue de faire son chemin. Les académies de province mettent au concours l’examen des avantages de l’éducation publique et de l’éducation privée pour les filles[2]. Les traités spéciaux se succèdent[3]. On ne conçoit pas de plan d’études où les femmes n’aient une place. Il suffit qu’un livre, même médiocre, soit publié sous ce titre : les Conversations entre une mère et sa fille, pour obtenir la vogue[4]. C’est une mère, Mme Leprince de Beaumont, qui, la première en France, publie un Magasin des enfants. En 1785, à la veille de la Révolution, paraissent, avec approbation spéciale du roi, les premiers volumes de la Bibliothèque universelle des dames, collection de cent cinquante volumes, « formée, dit la préface, avec un tel soin que la mère la plus scrupuleuse n’en puisse craindre la lecture pour sa fille ». Une émule de Mme de Maintenon, Mme de Miremont, qui, reprenant les idées de l’abbé de Saint-Pierre, a construit tout un projet d’éducation

  1. Émile, liv V.
  2. Le sujet traité par Bernardin de Saint-Pierre avait été mis au concours par l’Académie de Besançon (1777).
  3. De l’Éducation physique et morale des femmes, avec une notice alphabétique de celles qui se sont distinguées dans les différentes carrières des sciences et des beaux-arts ou par des talents et des actions mémorables, par Ambroise Riballier, 1 vol. in-12, Bruxelles et Paris, 1779. — Système moral et physique de la femme, par Roussel, in-12, 1175. — Traité de l’Éducation des femmes et cours complet d’instruction, par Mme la comtesse de Miremont, 1779. — Le Legs d’un père à ses filles, du docteur Gregory, traduit de l’anglais, 1774. — Le Plan de lecture pour une jeune dame, par de Lezai-Marnezia, 1784. — L’École des jeunes demoiselles, par l’abbé Reyre, 1786 ; etc.
  4. Les Conversations d’Émilie (1775).