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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1882.djvu/521

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DE L’ÉDUCATION DES FILLES

l’histoire de l’éducation des filles. Fleury, à qui il n’a manqué qu’un peu plus de grâce et d’aisance dans le bon sens pour prendre rang à côté de Fénelon, Fleury est le premier qui ait tracé pour elles les grandes lignes d’un programme d’enseignement. Il ne se montre pas bien exigeant encore. Comme instruction générale, il lui suffit, outre la religion, des connaissances de grammaire nécessaires pour lire, écrire et composer correctement en français une lettre, un mémoire ou quelque autre pièce d’usage journalier, des notions d’arithmétique pratique et de jurisprudence. Il insiste particulièrement sur l’économique ou science du ménage, et sur l’hygiène, si utile pour prendre de soi-même et des autres le soin qu’il convient. Ce compte fait, il déclare que les filles peuvent se passer du reste, du latin et des autres langues, de l’histoire, des mathématiques, de la rhétorique et de la philosophie des collèges, de la poésie et de toutes les autres curiosités. Il accorde seulement qu’il vaudrait mieux « qu’elles y employassent les heures de leurs loisirs qu’à lire des romans, à jouer ou à parler de leurs jupes et de leurs rubans ».

Le souffle généreux de Fénelon élève et élargit cet horizon. Son point de départ, toutefois, est le même que celui de Fleury. Ce qu’il considère dans la femme, c’est l’épouse, la mère, dont la place est dans la maison, dont le rôle est « de policer la famille, qui est une petite république ». Comme Fleury, il met donc en première ligne, après la religion, — et le point est à noter, — des exercices de gouvernement domestique[1] et la connaissance des éléments du droit ou des coutumes. Il ne lui paraît pas nécessaire qu’une fille « apprenne la grammaire par règles, comme les écoliers apprennent le latin en classe » ; mais il veut « qu’elle s’accoutume à ne prendre point un temps pour un autre, à se servir des termes propres, à expliquer ses pensées avec ordre et d’une manière courte et précise ». Il ne lui semble pas moins indispensable qu’elle possède les quatre règles de l’arithmétique. C’est là, à ses yeux, le fonds commun, ce que nous appellerions aujourd’hui le minimum obligatoire. Son inclination naturelle ne pouvait manquer de le pousser plus

  1. Voir également sur ce point l’Avis d’un homme de qualité à sa fille, par le marquis d’Halifax, traduit de l’anglais (1698).