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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1882.djvu/522

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REVUE PÉDAGOGIQUE

loin. Il distingue entre les jeunes filles que leur condition appelle à vivre à la campagne et celles qu’attendent la ville et la cour. Pour celles-ci, il est d’avis qu’il n’est pas inutile de leur permettre la lecture des livres profanes, de ceux qui n’ont rien de dangereux pour les passions, et de leur donner « les histoires grecque et romaine, où elles verront des prodiges de courage et de désintéressement ». Il recommande encore qu’on ne leur laisse pas ignorer l’histoire de la France « qui a aussi ses beautés », et « qu’on y mêle celles des pays voisins et les relations des pays éloignés judicieusement écrites ». S’il proscrit l’italien et l’espagnol, « qui ne servent guère qu’à lire des livres d’amour », il se montre moins sévère pour le latin ; il ne croit pas devoir non plus défendre l’étude de l’éloquence et de la poésie, de la musique et de la peinture. Ce n’est, il est vrai, qu’avec toutes sortes de réserves, de délicatesses, de précautions graves ou fines qu’il se décide ; et, en même temps qu’il décrit avec une justesse exquise et une élégance toute féminine le charme de ces études engageantes, il en signale les périls pour celles qui ne seraient pas préparées à les recevoir ; il entend n’y admettre que les filles d’un jugement ferme, d’une conduite modeste, qui ne se laisseront pas prendre à la vaine gloire[1].

Ce sont ces périls qui devaient surtout frapper Mme de Maintenon, après les premières heures d’abandon et d’essor. Elle se plaisait à répéter « qu’il faut diversifier l’instruction » ; mais elle entend par là une diversité réglée. Elle se retranche de tous les côtés. Point de latin ni de langues étrangères. Peu de lecture : on en recueille plus de mal que de bien ; mieux vaut le travail des mains. De l’histoire de France, juste ce qu’il faut « pour ne pas confondre un empereur romain avec un empereur de Chine ou du Japon, un roi d’Angleterre ou d’Espagne avec un roi de Perse ou de Siam ». Quant à l’antiquité, elle doit être tenue en défiance : ses grands traits de générosité et d’héroïsme élèvent trop l’esprit. Ne soyons pas plus sévères qu’il ne convient : c’est le souvenir du Grand Cyrus et de toutes les exaltations qu’il avait produites qui pèse sur la raison de Mme de Maintenon. Pour l’histoire nationale, il est juste aussi de

  1. De l’Éducation des filles, chap. xi et xii.