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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/108

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REVUE PÉDAGOGIQUE

Tous les fils d’Adam subissent l’héritage du premier père ; tous ils portent en eux la corruption, la disposition à mal faire[1]. L’âme, créée à l’image de Dieu, est toujours spirituelle et immortelle comme lui ; elle a toujours ses deux principales facultés : la raison pour connaître et la volonté pour aimer le bien, et particulièrement Dieu, qui est le souverain bien. « Mais la raison, cette lumière qui devait nous servir de guide, a été tellement obscurcie par le péché, et elle est environnée de si épaisses ténèbres, qu’elle ne peut plus nous conduire avec assurance dans nos démarches. La volonté n’a pas été moins pervertie : de maîtresse et souveraine qu’elle était, elle est devenue l’esclave des passions, et au lieu de ne s’attacher qu’à Dieu, qui doit être l’unique objet de son amour, elle a commencé à se répandre dans l’amour des créatures, dans la multiplicité desquelles elle cherche en vain le repos qu’elle ne trouvera jamais[2]. » Ainsi, la nature humaine est viciée ; il faut que l’éducation la corrige et que, poursuivant un double but, elle redresse la raison et la volonté détournées de leur véritable objet. Il faut redresser la raison par l’étude et la volonté par la pratique de la vertu.

Sans doute le baptême a rendu à l’âme l’innocence perdue, et le chemin du ciel est rouvert ; mais l’âme reste faible ; cette

  1. « Il est certain, quoiqu’on ne s’en aperçoive pas, que tout fait impression sur les enfants, et que les mauvais exemples en font une plus forte que les bons. Car il ne faut pas s’imaginer que l’esprit des enfants soit une table rase, ou une cire molle, qui n’a nulle disposition au vice et au mal. Il n’en est pas ainsi et cette imagination est une erreur, même en la foi. L’esprit des enfants est naturellement et originairement malade : c’est pourquoi toutes les bonnes choses ne lui sont pas bonnes. Cette cire molle est imprimée, dès l’instant de sa conception, de toutes sortes de vices ; car la cupidité, qui est comme le sceau et le cachet, ou plutôt l’image et la ressemblance du démon, comprend toutes les formes et les caractères des vices. L’exemple des père et mère, les flatteries des valets, la hantise et le commerce avec d’autres enfants, tirent les traits confus de cette cire molle, de cette masse damnée, et mettent plus ou moins en évidence ces caractères de vices, en les déterminant plus ou moins efficacement à proportion de la prédétermination originelle et particulière de chacun : ce qui fait que les uns sont plus orgueilleux et plus vains que les autres, etc… Car le cœur de l’homme, que l’Écriture appelle roi à cause de sa liberté, est comme une source corrompue, dont les robinets sont entre les mains de Dieu. » Guyot, Préface de la Lettre de Cicéron à Quintus.
  2. Coustel, Règles de l’éducation des enfants, livre Ier, chap. I.