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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/110

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REVUE PÉDAGOGIQUE

fatalement à la damnation ? De là cet amour, cette tendresse inquiète qu’il ressent pour eux et qui allait jusqu’à la dévotion.

Je voudrais que vous pussiez lire dans mon cœur l’affection que je porte aux enfants… ; je vous avoue que ce serait ma dévotion de pouvoir servir les enfants. » De là aussi un respect profond : l’âme des enfants est comme un sanctuaire où Jésus-Christ habite depuis qu’ils lui ont été consacrés par le baptême. « Il témoignait toujours aux enfants une bonté qui allait jusqu’à une espèce de respect pour honorer l’innocence et le Saint-Esprit qu’ils portent en eux[1]. »

Donc l’éducation est une grande œuvre et qu’on aborde avec émotion ; car il s’y mêle la pensée de Dieu et des âmes en danger ; et regardant ces choses qui semblent petites en elles-mêmes, Saint-Cyran admire comme Dieu les grandit. « Il n’y a rien, à proprement parler, de grand en soi ; mais il n’y a rien non plus qui ne soit grand en Dieu. » Or, conserver aux enfants la pureté rendue par le baptême, garder ces âmes à Jésus-Christ, n’est-ce pas l’œuvre à laquelle Dieu est directement mêlé ? Un souci du bien public vient s’ajouter aux préoccupations religieuses ; car il considérait encore que de ce premier âge dépend toute la suite de la vie et que, pourvu que la jeunesse fût bien élevée, on pouvait espérer que les charges seraient remplies des plus dignes officiers et l’Église des âmes les plus vertueuses, et que la république et les familles particulières en tireraient des avantages qui ne se peuvent exprimer : « de sorte qu’on pourrait dire de cette œuvre qui est aujourd’hui si négligée et si abandonnée : porró unum est necessarium, puisqu’elle est en un sens l’unique nécessaire et que si l’on en était venu à bout, on remédierait à la plupart des autres désordres ; au lieu que, manquant dans ce principe, c’est une suite nécessaire que tout le reste de la vie s’en ressente. »

On s’explique également qu’il ait placé si haut dans son estime la fonction d’instruire les enfants et de les former à la vertu. « Il estimait tellement la charité de ceux qui s’employaient à élever chrétiennement des enfants qu’il disait qu’il n’y avait point d’occupation plus digne d’un chrétien dans l’Église ;

  1. Mémoires de Lancelot.