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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/112

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REVUE PÉDAGOGIQUE

la communauté, manifestera les mêmes sentiments. « Il m’avait confié l’éducation de quelques enfants, dit Fontaine, et il me disait souvent que s’il lui était libre de disposer de son temps, il voudrait de tout son cœur en mettre à cela une bonne partie et être le principal directeur de ces petites âmes, dans lesquelles il faut quelquefois plus combattre l’ennemi que dans les plus grandes. Il sentait toujours en parlant sur ce sujet une certaine chaleur qui en donnait aux plus froids. Il semblait porter envie à ceux que Dieu engageait dans cette occupation. » — « Y aurait-il rien de plus glorieux et de plus honorable pour un homme, dit à son tour Coustel, que de servir la personne même de Jésus-Christ, s’il était encore au monde ? Or saint Augustin nous assure que chaque chrétien le représente, et Jésus-Christ nous a dit dans l’Évangile qu’il tiendra comme rendus à lui-même tous les services rendus pour l’amour de lui au moindre de ses enfants. »

Ainsi, conserver l’innocence des enfants et Jésus-Christ lui-même qui habite en eux, après qu’ils lui ont été consacrés par le baptême ; défendre cette pureté contre la concupiscence, c’est-à-dire contre toutes les mauvaises inclinaisons de leur nature corrompue, contre l’envie du démon et la rage qu’excite en lui le bonheur des hommes, contre les ruses qu’il invente et les assauts qu’il leur livre, tel était l’objet principal de l’éducation, selon Saint-Cyran. Tout, dans le système de Port-Royal, va se déduire de cette conception primitive ou s’y subordonner.

Tout d’abord on écarte, d’une part, la vie de collège ; de l’autre, l’éducation particulière dans la famille. On préfère le préceptorat ; mais on entend que l’enfant sera éloigné de la présence et de l’influence des parents. De la même pensée découlent les conditions auxquelles on acceptait les élèves dont on se chargeait : on n’en voulait point dont on ne fût absolument les maîtres, et si l’on en voyait quelqu’un dont l’exemple fût nuisible aux autres, on le renvoyait sans qu’aucune considération particulière fût capable de le faire garder. De là enfin le soin avec lequel on choisissait les maîtres chargés d’instruire les enfants et même les domestiques chargés de les servir. Ce qui vient de l’extérieur et par les sens a sur les enfants une grande puissance ; ils font comme d’instinct ce qu’ils voient