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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/116

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REVUE PÉDAGOGIQUE

utilement, et parce que lui-même est bien inspiré, et parce qu’il voit l’élève bien disposé à recevoir ses paroles. De part et d’autre cette bonne disposition vient de Dieu : moments féconds où le maître agit avec une puissance d’efficacité que, dans un autre temps et abandonné à ses seules forces, il n’aurait jamais. Il croyait d’ailleurs que, dans l’éducation, l’action principale est la continuité de l’exemple opérant lentement et sans cesse, le régime même de la maison enveloppant l’enfant et le formant à la longue, sans secousse et à son insu.

Étant donnée la manière dont les élèves étaient recrutés et conduits, on conçoit que la discipline devait être toute paternelle. Alors que le fouet était encore une véritable institution dans tous les établissements d’instruction, les châtiments étaient fort rares à Port-Royal et l’on n’y recourait qu’après avoir épuisé tous les autres moyens de répression ou d’excitation. « M. de Saint-Cyran nous recommandait, dit Lancelot, de supporter les fautes et les faiblesses des enfants, afin d’engager par là Dieu à nous faire miséricorde dans les nôtres, et d’avoir encore plus de charité et de compassion pour ceux qu’on voyait plus imparfaits et plus tardifs, c’est-à-dire dans lesquels le péché originel avait fait une plus grande plaie. » M. de Saci donnait à Fontaine les mêmes conseils : « Il ne fallait pas se montrer trop exact avec les enfants, ni s’inquiéter trop ; il fallait, au contraire, être fort tardif dans les avertissements et les repréhensions, se contenter de les préserver des fautes principales et fermer les yeux sur leurs petits manquements ; en en omettant quelques-uns on remédiait bien mieux aux autres ; on ne pouvait les guérir que peu à peu et par parties ; il fallait avoir pour eux une charité humble et infatigable ; autrement on se tuait et on ne leur servait à rien ; aux maîtres trop impatients et trop prompts à la sévérité, il disait souvent qu’il est difficile de blanchir une jeune tête. »

Enfin, comme dernière ressource, comme moyen suprême d’action là où tous les autres avaient été impuissants, la discipline de Port-Royal, fidèle à la pensée religieuse dont elle procédait tout entière, recommandait aux maîtres la prière. C’est en vue de Dieu qu’on entreprend l’œuvre d’éducation, c’est Dieu qui en est le témoin et l’auxiliaire tout-puissant. Dans la pensée