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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/122

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qui constitue dans le langage un élément simple et irréductible. Cette nouvelle méthode devait recevoir à Port-Royal même le sceau de l’expérience. Le principe que Pascal avait posé ne satisfait point à tout ; il ne nous apprend pas, par exemple, ce qu’il faut faire des consonnes qui terminent un mot. C’est ce que lui objecta sa sœur Jacqueline, celle qui sous le nom de sœur Sainte-Euphémie s’était faite religieuse à Port-Royal des Champs et y était chargée d’apprendre à lire aux petites filles[1]. Quelle fut la réponse de Pascal ? On l’ignore. Mais on peut la supposer, d’après ce qui est dit aux chapitres v et vi de la Grammaire générale, qui parut plus tard. Il lui répondit, sans doute, qu’il y a dans la pratique des langues bien des choses dont il est impossible de rendre raison, bien des particularités qu’on ne peut ramener à des règles et que l’usage seul doit apprendre ; que l’important est d’amener les enfants à pouvoir lire le plus tôt possible de petites phrases toutes simples dont on a banni les irrégularités, ce qui ne peut manquer de les intéresser et de les encourager à faire de nouveaux efforts pour connaître ce qu’ils ne savent pas encore, etc., etc. — On se figure la sœur et le frère discutant ensemble cette question pédagogique, Arnauld les écoutant pour réduire le procédé en théorie et, grâce à l’expérience, préparant le système complet qu’il devait esquisser dans les chapitres v et vi de sa Grammaire générale.

Apprendre à lire aux enfants d’après une méthode aussi rationnelle que possible, c’était le premier pas. Aussitôt une autre question se présente : Vaut-il mieux pour cela se servir de livres français ou de livres latins ? C’était de livres latins qu’on se servait alors, et voici la singulière raison qu’en donnait encore, en 1686, Fleury, dans son Traité des études : « On fait lire d’abord en latin, dit-il, parce que nous le prononçons plus comme il est écrit que le français. » Il est vrai qu’il n’approuve qu’à demi cet usage et qu’il ajoute : « Mais je crois que le plaisir qu’aurait un enfant d’entendre ce qu’il lirait et de voir l’utilité de ce travail l’avancerait bien autant ; c’est pourquoi je voudrais lui

  1. Voir la curieuse lettre qu’elle lui écrivit à ce sujet, à la page 248 du volume que M. Cousin a consacré à Jacqueline Pascal. Librairie Didier, Paris.