donner bientôt quelque livre français qu’il pût entendre[1]. » On pense bien que nos solitaires ici encore vont rompre avec la coutume. Ayant pour principe qu’il faut, autant qu’on peut, faciliter toutes choses aux enfants[2], et croyant qu’il faut tellement aider les écoliers qu’on leur rende l’étude plus agréable même que le jeu et les divertissements, pouvaient-ils condamner des enfants à épeler pendant trois ou quatre ans, « à s’arrêter si longtemps sur les mêmes figures, à assembler si souvent les mêmes lettres, à suppléer par la mémoire ce qui manque à l’écriture, comme il en manque dans toutes les langues, pour prononcer enfin, résultat final de tout ce travail, des mots qu’on n’entend pas ? » Non ; leur amour de l’enfance devait les rendre ingénieux à lui épargner cette peine. On peut, pensaient-ils, aplanir les difficultés aux enfants sans crainte d’amollir leur énergie en lui demandant trop peu d’efforts : il y aura toujours, dans les études (notamment dans l’apprentissage de la lecture, qui, quoi qu’on fasse, restera une chose pénible), ample matière à les habituer au travail, à exercer leur volonté, leur énergie propre. Port-Royal préférera donc, pour l’enseignement de la lecture, les livres français aux livres latins ; « car, comme ceux-ci (les enfants) entendent leur langue naturelle, ils comprendront avec bien moins de peine ce qu’ils liront en cette langue qu’en une autre dont ils n’ont encore aucune idée. » Donc on leur apprendra à lire dans des livres français ; on ne leur fera prononcer que des mots correspondant à des choses qu’ils connaissent déjà ; on s’adressera à la mémoire, mais on ne négligera pas l’intelligence. C’est le point de départ : s’habituer, dès le début, à suivre la raison : et non la routine, c’est d’un bon augure pour le reste de l’enseignement.
On ne leur apprendra pas seulement à lire, on essaiera de leur apprendre à bien lire. Et pour cela on les fera lire doucement « jusqu’à ce que l’âge et l’accoutumance leur aient fait acquérir la facilité de lire plus vite et sans se méprendre. On les recule souvent en pensant les avancer, quand on les presse