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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/124

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trop ; parce que, hésitant à chaque mot, ils s’accoutument à les répéter d’une manière qui choque et qui est tout à fait désagréable. Il leur faut faire prononcer chaque mot distinctement et d’un ton de voix intelligible, sans bégayer, sans parler du fond du gosier ni aussi entre les dents ; car ces petits défauts et plusieurs autres semblables deviennent ensuite incorrigibles, si on les néglige d’abord[1]. »

Pour rendre la lecture agréable, on les accoutumerait à faire es liaisons et les pauses nécessaires, à éviter autant qu’il se peut la monotonie, à faire voir en haussant et en baissant la voix qu’ils entendaient ce qu’ils lisaient, principalement quand c’étaient des vers, « auxquels on doit surtout donner la cadence ». Il semble que les efforts des maîtres n’étaient pas dépensés en pure perte ; car le père Comblat, religieux cordelier, qui vint à Port-Royal en 1678, a pu rendre ce témoignage aux religieuses, évidemment formées d’après les mêmes principes, à propos des lectures qui se faisaient au réfectoire pendant les repas, ou dans les autres lieux où elles se faisaient en commun : « Ce qui me fait croire, dit ce bon père, que ce doit être des délices perpétuelles dans cette communauté, c’est que, leur ayant entendu lire la matière de l’oraison dans le chœur, à complies, celle qui lit y parle si ponctuellement et si distinctement, et pourtant sans façon, qu’on n’en perd pas un mot, ni on ne fait pas la moindre équivoque dans cette lecture, et elle y dit tout d’un ton si net et avec cela si touchant, qu’il faut nécessairement l’écouter, tant elle persuade ce qu’elle lit[2]. »

Comme rien n’est petit quand il s’agit des commencements d’une grande chose, on s’occupait aussi à Port-Royal de la manière d’apprendre à écrire. « S’il est utile d’apprendre aux enfants à bien lire, dit Coustel, il n’est pas moins avantageux de leur apprendre à bien écrire : c’est une chose agréable à tout le monde et nécessaire aux personnes de qualité. » On les accoutumait à écrire assez gros, à bien former et arrondir toutes leurs lettres, en y gardant toujours une juste proportion

  1. Coustel, Règles de l’éducation des enfants, livre III, chap. iii.
  2. Voir Sainte-Beuve, tome V. page 143.