Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que des yeux pour se rendre habile en un moment, et qu’on sache presque aussitôt les choses comme on les a vues. Mais cette facilité apparente ne vient d’ordinaire, si je ne me trompe, que de ce que, voyant en abrégé sur des tables ce que nous savons déjà nous-mêmes, nous nous figurons qu’il sera aussi facile aux autres d’apprendre par là ce qu’ils ne savent pas, qu’à nous de nous ressouvenir de ce que nous avons appris. Car il est certain que, comme les tables sont fort abrégées, elles sont aussi fort obscures, et qu’ainsi elles ne sont pas bonnes pour ceux qui commencent, parce que celui qui commence a autant besoin qu’on soulage son esprit par l’éclaircissement des choses que sa mémoire par la brièveté[1]. » En d’autres termes, Lancelot croyait que de pareils tableaux sont plus utiles pour se rappeler ce qu’on a appris que pour apprendre ce qu’on ne sait pas. Observation fort judicieuse et que devraient méditer bien des inventeurs de nos jours qui, à force de simplifier les instruments de démonstration, finissent par arriver à l’inintelligible.

Ainsi on mettait une grammaire entre les mains des élèves, et cette grammaire était en français. « Puisque le seul sens commun nous apprend qu’il faut toujours commencer par les choses les plus faciles et que ce que nous savons déjà doit nous servir comme d’une lumière pour éclairer ce que nous ne savons pas, il est visible que nous devons nous servir de notre langue maternelle comme d’un moyen pour entrer dans les langues qui nous sont étrangères et inconnues. Proposer les premiers éléments d’une langue qu’on veut enseigner dans les termes mêmes de cette langue, n’est-ce pas supposer que l’élève sait déjà ce qu’on veut lui apprendre et qu’il a déjà fait ce qu’on veut lui faire faire[2] ? » — De plus, ces règles étaient en vers français, sans doute parce que le Despautère, qu’on imitait et qu’on voulait seulement éclaircir et abréger, les donnait en vers latins. Cependant Lancelot justifie encore sa manière de faire par des raisons qui lui sont propres. « Ayant donc considéré tout ceci avec grande attention, dit-il, j’ai cru qu’on devait donner aux

  1. Avis au lecteur, en tête de la Nouvelle Méthode pour apprendre plus facilement la langue latine.
  2. Ibidem.