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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/210

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REVUE PÉDAGOGIQUE

(de 14, 15 et 16 ans) ; beaucoup de très jeunes élèves (de 7, 8 et 9 ans). Les générations intermédiaires manquent ou peu s’en faut. Le maître donne à ces grands élèves le meilleur de son temps ; la foule pâtit, languit : sans doute elle se lasse, se dégoûte ; arrivée à un certain âge, elle s’éloigne. Quelques-uns seulement restent, qui arrivent alors parmi ces grands dont le mailre s’occupe ; ou encore ceux qui étaient sortis de l’école y rentrent quand ils ont acquis un peu plus de raison ou quand, ayant fait l’apprentissage du travail manuel — de ce travail manuel dont les Corses ont horreur — ils se disent qu’après tout être assis sur des bancs et s’instruire vaut mieux ; ceux-là demandent à l’école de leur faire un avenir ; ils veulent s’engager dans l’armée (cela est fréquent en Corse) ; ils aspirent à devenir gendarmes, sergents de ville, douaniers, et ils savent que pour cela ils ont besoin d’instruction. C’est ainsi que j’ai trouvé dans les écoles des élèves barbus.

Bon nombre de ces grands élèves visent à devenir instituteurs. Il faut ajouter que jusqu’en ces dernières années le brevet s’obtenait avec une déplorable facilité ; le jury est devenu plus sévère ; aussi que de cris et de colères contre lui !

Pour la raison que je viens de dire, en dehors de ces quelques grands élèves, les résultats sont très pauvres, et pourtant les enfants ne manquent point d’intelligence. Ils ne parlent point français, me dit-on de toutes parts pour m’expliquer leur ignorance, et les inspecteurs primaires eux-mêmes me donnent cette raison. Vaine raison. Est-ce que cela est particulier à la Corse ? est-ce qu’il n’y a pas en France même des régions où l’on parle une autre langue que le français, Bretagne, Flandre, Pays basque ? Est-ce que dans les pays les plus français, si je puis dire, le cultivateur, l’ouvrier parlent vraiment le français ? Je sais que là où la langue de l’enfant est absolument différente, il y a des difficultés particulières de début et de mise en train ; mais je sais aussi, et l’expérience l’a prouvé, que, grâce à l’âge de l’élève, ces difficultés sont vite levées : tout cela est affaire d’habileté pédagogique et de méthode. Malheureusement l’instituteur corse a été longtemps abandonné à lui-même ; peu surveillé, peu conseillé ; l’inspection était rare, et d’ailleurs il comptait trop sur d’autres que sur ses chefs et sur leur témoignage pour