l’histoire abrégée est vraiment de l’histoire, si elle profite à l’esprit, si même elle se retient, ou si ce n’est pas précisément par les détails qu’elle prend intérêt et vie.
Et qu’est-ce que ces grandes lignes, comme on les appelle complaisamment, si elles ne supposent pas derrière elles l’ensemble, la masse d’une vaste construction ? Il faut pourtant une mesure, nul ne le conteste ; mais que cette mesure est difficile à garder ! MM. Ammann et Coutant en ont sans nul doute fait l’expérience. Quand je lis dans le premier volume le chapitre où est racontée la grande lutte des plébéiens et des patriciens, lutte pied à pied, lutte où chacun des deux partis déploie tant d’ardeur, de passion, une constance, une ténacité toute romaine, je suis prêt à m’écrier : (Comme cela est court ! — mais je sens bien que les auteurs vont me répondre : Le programme est là qui nous pousse, nous presse, nous jette l’inexorable cri : Marche, marche ! Et j’arrête ma critique, à regret. Quand d’autre part, dans le second volume, je lis par exemple le chapitre sur la Renaissance avec tant de noms d’hommes et d’œuvres, je m’écrie : Comme c’est long ! On me répond : Sans tous ces noms d’œuvres et d’hommes, comment donner une idée de ce grand mouvement des esprits, aux limites mal définies, aux manifestations si variées ? Et je m’arrête… à demi convaincu. Je voudrais tout au moins en tête du chapitre (car je songe à nos élèves que .je vois d’ici un peu perdus) une phrase à laquelle ils pussent s’arrêter, s’accrocher, phrase qui leur dit ce qu’est la Renaissance, phrase de forme calculée, méditée, aiguisée même, à coup sûr décisive, qui entrât dans les esprits, s’y attachât, s’y enfoncât.
Ce que je puis louer sans réserve, ce sont les résumés en forme de tableaux synoptiques qui suivent chaque chapitre. « Ces tableaux, nous disent les auteurs, rendent matériellement visible le plan des différents chapitres… ils font en quelque sorte toucher du doigt l’ordonnance des questions, montrent les faits groupés suivant des divisions naturelles, déterminées logiquement par les idées générales qui les dominent… ils pourront aider, nous l’espérons, à faire de l’étude de l’histoire ce qu’elle doit être réellement, un exercice d’intelligence plus encore que de mémoire. » J’irai encore plus loin et dirai : Ils contribueront, je l’espère, à faire passer dans l’enseignement primaire certaines habitudes d’esprit que nous ne cessons de recommander, celles de dominer les faits, de tâcher de s’y orienter et d’y voir clair, de chercher l’unité logique d’un sujet, d’ordonner, de composer, de se faire un plan.
Autres signes qui trahissent chez les auteurs d’heureuses préoccupations pédagogiques : çà et là des cartes ou plutôt des esquisses géographiques telles qu’il convient d’en réclamer de nos élèves à propos d’un traité de paix, ou d’une campagne ; à la fin de chaque chapitre un index géographique qui donne d’une façon succincte la position de tous les lieux dont le nom ne s’était pas encore ren-