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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1884.djvu/53

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CONFÉRENCES PÉDAGOGIQUES DES INSTITUTEURS ALLEMANDS

de l’humanisme et de l’eudémonisme… On doit élever l’enfant en vue de sa destinée éternelle et aussi en vue de sa destinée temporelle, mais en considérant celle-ci simplement comme un moyen d’arriver à l’éternelle félicité. On doit élever l’enfant dans une communion intime de vie avec Jésus-Christ, de telle sorte que la vie divine de celui-ci passe en lui. On doit faire que l’enfant participe aux grâces que l’Église lui offre, veiller à qu’il voie en elle le bon pasteur qui lient la place du Christ et à ce qu’il s’abandonne avec respect et obéissance à sa direction. »

Ces doctrines peuvent satisfaire aux exigences du parti de la réaction ; mais nous avons bien le droit de nous demander si les élèves formés selon ces principes seront préparés pour la vie dans la s0ciété ? Par une éducation semblable les partisans du clergé atteindront leur but, qui est de conserver et de fortifier la domination de l’Église ; mais la société laïque a des exigences qu’il n’est pas permis à ua éducateur de méconnaître.

II

Au nombre des moyens éducatifs recommandés par la pédagogie allemande, il en est un qui nous frappe d’abord, parce qu’il répugne à notre esprit et à l’idée que nous nous faisons d’une véritable éducation : c’est l’emploi des châtiments corporels, que les instituteurs allemands considèrent comme indispensables. Loin d’en demander la suppression, ils réclament le droit de les appliquer plus librement.

« De toutes parts, disent-ils, on voit apparaître des vices, tels que le mépris de la vie et de la propriété d’autrui, la brutalité et l’amour de la jouissance, le manque d’inclination pour une activité énergique… L’école a dans ces vices sa part de responsabilité ; elle doit chercher à les combattre. Si la douceur ne suffit pas, on ne doit pas reculer devant l’emploi des châtiments corporels ; mais ces châtiments ne peuvent être efficaces que si le droit qu’a l’instituteur de les infliger n’est pas trop restreint. » (Soest, 1882.) — « Contre le désordre, la malpropreté, la paresse, l’opiniâtreté, le mensonge, on emploiera les châtiments corporels. » (Putlitzs, 1879.) — « Quoiqu’on ne puisse pas former par le bâton des hommes moralement bons, on peut cependant par là les habituer au bien. L’instituteur a la pleine responsabilité de l’emploi des châtiments corporels. » (Brême, 1882.)

Les instituteurs allemands sont tellement convaincus de l’efficacité des punitions corporelles, qu’ils ne reculent même pas devant la crainte de s’exposer à la rigueur des lois : ils peuvent, en effet, être condamnés à un emprisonnement de trois ans et à un amende de mille marks, lorsqu’ils ont outrepassé leur droit. Ils demandent simplement qu’un instituteur soit adjoint aux tribunaux administratifs