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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1890.djvu/206

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REVUE PÉDAGOGIQUE

une haute culture à ce don naturel qui leur serait exclusivement propre, montreraient sur les classes élevées des autres nations une supériorité dont certainement elles n’ont pas donné de preuves. Mais si c’est la culture de l’esprit qui développe l’intelligence chez les classes élevées de toutes les nations, il faut admettre qu’en France la masse du peuple, quoique dépourvue de la science des livres, doit ressentir les effets bienfaisants d’une certaine culture, puisqu’elle montre une intelligence que les classes populaires des autres nations ne possèdent pas. Cette culture, elle la reçoit en effet ; bien des influences sont à l’œuvre en France qui tendent à la lui fournir ; parmi ces influences il faut compter la législation scolaire.

Cette législation agit par sa forme et par son esprit. Par sa forme elle fait, comme d’ailleurs toute la législation française tend à le faire, l’éducation du peuple ; et cela même vaut la peine qu’on s’y arrête. Ce n’est pas peu de chose que de voir la loi, faite pour tous les hommes, parler une langue humaine et intelligible, et la bien parler. La raison prend plaisir à un ordre rigoureux, à une clarté transparente et à une exposition simple. La raison abhorre une complication tortueuse, une obscurité confuse et des répétitions prolixes. Il n’est pas sans importance pour la raison d’une nation que la forme et le texte de ses lois présentent les différents caractères qui peuvent satisfaire la raison, ou qu’ils présentent les caractères qui répugnent à la raison. Assurément le texte d’une loi anglaise n’a jamais excité dans l’esprit d’un Anglais illettré autre chose qu’une espèce d’ahurissement. Mais j’ai entendu moi-même un paysan français citer le code civil ; ce code est entre les mains de tout le monde ; c’est à sa forme rationnelle tout autant qu’à son esprit rationnel qu’il doit cette popularité qui fait que la moitié des nations de l’Europe désirent l’adopter. Quand même l’esprit des lois anglaises serait inspiré par la sagesse des anges, la forme dont elles sont revêtues les rendrait inaccessibles aux nations étrangères. Le style et le vocabulaire de toute la législation moderne de la France sont de même nature que ceux du code. Que le lecteur anglais compare, simplement pour le style et pour le vocabulaire, la loi sur l’enseignement de M. Guizot avec le projet de loi bien connu de sir John Pakington, ami fort sincère et fort intelligent de l’enseignement en Angleterre. Assurément