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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1890.djvu/207

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LA LÉGISLATION SCOLAIRE ET L’ÉDUCATION DE L’ESPRIT PUBLIC

la loi française dont il s’agit n’a pas été rédigée par M. Guizot lui-même, ni le projet de loi anglais par sir John Pakington ; ils parlent tous deux la langue courante de leur législation nationale. Mais la loi française, à part quelques expressions techniques nécessaires, parle la langue de l’Europe moderne ; le projet de loi anglais parle la langue du moyen âge et la parle mal. J’affirme que le langage rationnel et intelligible de cette grande voix publique qui parle par les lois de la France, exerce une influence directe et favorable sur la raison et sur l’intelligence française en général.

De la forme je passe à l’esprit. Avec plus de confiance encore, j’affirme que ce n’est pas peu de chose pour la raison et pour l’équité d’une nation, que ses lois formulent hardiment des prescriptions rationnelles et équitables. Ce n’est pas peu de chose, pour aider à répandre dans la masse des Français un esprit sage et modéré dans les questions vitales et si discutées des rapports de la religion et de l’éducation, que la loi de 1833 dise avec fermeté : « Le vœu des pères de famille sera toujours consulté et suivi en ce qui concerne la participation de leurs enfants à l’instruction religieuse. » Ce n’est pas peu de chose que, sur ces questions critiques, tout l’ensemble de la législation française tienne un langage également ferme, également libéral. C’est pour cela que, dans un ordre d’idées où le cri populaire, dans les autres pays, lorsqu’il n’exprime pas une erreur, ne peut du moins jamais inspirer de confiance, il existe, en France, une opinion publique saine et bienveillante qui suit, sans dévier, la bonne direction. C’est grâce à cela que la France est relativement à l’abri des dangers qui, dans les autres pays, menacent et arrêtent à tous moments les progrès intellectuels. Enfin c’est pour cela que, même en des questions qui sont en dehors du domaine de l’enseignement, — pourvu qu’elles se présentent sous une forme suffisamment générale et qu’elles n’exigent pas une connaissance étendue de faits particuliers (connaissance qui manque en France d’une façon déplorable dans la masse), — l’intelligence du peuple français se manifeste active et éclairée. M. Guizot dit avec vérité dans son dernier ouvrage : « C’est la grandeur de notre pays que les esprits ont besoin d’être satisfaits en même temps que les intérêts. »