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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1890.djvu/211

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LA LÉGISLATION SCOLAIRE ET L’ÉDUCATION DE L’ESPRIT PUBLIC

remarquables attribuées au premier Napoléon, il n’y en a pas de plus dignes de mémoire que celles où, en plus d’une occasion, il a indiqué les limites du pouvoir de l’État en France, d’un pouvoir même tel que le sien. Les institutions représentatives, disait-il, pouvaient être restreintes autant qu’il lui plairait ; après l’anarchie de la Révolution, la nation demandait un gouvernement fort. À l’égard de l’esprit de révolution, de l’esprit de réaction, de l’esprit de parti en général, il pouvait aussi en user avec fermeté et selon son bon plaisir : il était assez fort pour dédaigner l’intolérance des prêtres et l’intolérance voltairienne. Il n’y avait qu’une seule puissance devant laquelle l’empereur lui-même fût obligé de s’incliner, et dont il se sentait obligé de tenir compte : c’était le bon sens de la masse du peuple. Heureux s’il s’était toujours rappelé ses propres paroles, s’il n’avait pas suivi une politique extravagante et personnelle, et s’il n’avait pas fini par se rendre le bon sens de la France ou hostile ou indifférent ! Mais ce qu’il a dit est vrai : il est impossible à l’État, dans la France moderne, d’aller à l’encontre du grand courant du bon sens national. Dans ses actions, il est obligé de s’appuyer sur quelque fondement pris dans la raison, et il ne lui est permis de traiter avec dédain que la déraison. Mais lorsqu’un prêtre demande à administrer le baptême aux dissidents admis dans une école publique, lorsqu’un dissident demande à être exempté de l’impôt scolaire sous prétexte que sa conscience ne lui permet pas de contribuer à l’entretien d’écoles où l’on enseigne une religion qui lui déplaît, l’État peut traiter de telles prétentions comme des fantômes qu’il a le droit de dédaigner, car elles sont irrationnelles.

Je déclare donc que, par sa forme et par son contenu, par sa lettre et par son esprit, par la façon dont elle traite la raison et la façon dont elle traite le préjugé, par ce qu’elle respecte et par ce qu’elle ne respecte pas, la législation scolaire de la France. moderne fait l’éducation de l’intelligence populaire et de l’esprit d’équité populaire.

C’est là un grand avantage pour la nation. Mais elle a d’autre part à souffrir de quelques inconvénients, qui découlent quelquefois ou qui semblent découler de l’éducation nationale, inconvénients que ceux qui ne regardent jamais au delà de l’école elle-même sont portés à oublier, mais que tous ceux pour qui les