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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1890.djvu/210

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REVUE PÉDAGOGIQUE

force. Ses façons d’agir, à cet égard, forment un contraste remarquable avec celles de l’État en France.

Je vais donner un exemple de ce que je veux dire, et je ne le chercherai pas ailleurs que dans l’éducation. En s’occupant d’éducation, un gouvernement rencontre souvent des questions sur lesquelles il y a deux opinions différentes, toutes deux rationnelles. S’il est sage, il traitera ces opinions avec le respect qui leur est dû, et se laissera guider, pour décider entre elles, par la tendance du moment, par les circonstances et par la disposition générale du pays. Faut-il que l’éducation soit aux mains des ecclésiastiques ou des laïques ? Faut-il que l’instruction donnée dans les écoles primaires soit exclusivement séculière, ou sera-t-elle en même temps religieuse ? Voilà deux questions sur lesquelles on a le droit de soutenir deux opinions contraires qui auront toutes deux un fondement dans la raison. En se prononçant soit pour l’une, soit pour l’autre, un gouvernement prend un parti que la raison peut approuver ; dans l’un comme dans l’autre cas, il cède à des arguments qui relèvent de la raison. L’intelligence nationale peut au moins le suivre dans ses décisions.

Mais un gouvernement, en s’occupant d’éducation, aura aussi affaire quelquefois à des opinions qui n’ont pas de fondement raisonnable, qui sont de simples caprices, ou de simples préjugés, ou de simples passions. Aura-t-il la vue assez claire pour discerner qu’elles sont effectivement dépourvues de fondement raisonnable, ou le courage, si elles le sont, de les traiter comme telles ? Voilà la question. Encouragera-t-il et éclairera-t-il l’intelligence nationale en traitant avec fermeté ce qui est inintelligent comme inintelligent, ce qui est fanatique comme fanatique, malgré le bruit qu’on pourra faire ? Ou bien blessera-t-il, déroutera-t-il, confondra-t-il l’intelligence nationale, en traitant ce qui est inintelligent comme si c’était intelligent, comme si c’était une puissance réelle, avec laquelle il faut entrer en pourparlers respectueux, devant laquelle il est permis de s’incliner comme on s’incline devant la raison elle-même ? Le lecteur se rendra compte que l’État, en Angleterre, a quelquefois suivi cette dernière voie.

On me répondra, je le sais, qu’en France l’État est absolu, et qu’il peut écraser à son choix la déraison ou la raison selon son bon plaisir. Mais c’est là une erreur. Parmi bien des paroles