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REVUE PÉDAGOGIQUE

nous interroger avec leurs bonnets de nuit sous leur bonnet carré. En regardant ces trois docteurs à la lueur d’une chandelle dont la lumière allait se perdre dans l’épaisse obscurité des voûtes du lieu où nous étions, je m’imaginai voir Minos, Eaque et Rhadamanthe, qui venaient interroger des ombres. Un de nous, à qui l’on fit une question dont il ne me souvient pas, répondit hardiment une infinité de belles choses qu’il avait apprises par cœur. On lui adressa ensuite une autre question sur laquelle il ne répondit rien qui vaille. Les deux autres ne firent pas beaucoup mieux que le premier. Cependant ces trois docteurs nous dirent qu’il y avait plus de deux ans qu’ils n’en avaient interrogé de si habiles et qui en sussent autant que nous. Je crois que le son de notre argent que l’on comptait derrière nous, pendant que l’on nous interrogeait, fil la bonté de nos réponses. »

Telle n’était plus, à beaucoup près, la simplicité des épreuves pour les grades en théologie. Les traditions accumulées en avaient déterminé les règles avec une abondance de formalités et de conditions auxquelles nos systèmes d’examens contemporains, si riches qu’ils soient sous ce rapport, n’ont rien à envier. Pour affronter le baccalauréat, il fallait avoir accompli sa vingt-troisième année, obtenu le brevet de maître ès arts, justifié d’un stage en théologie de trois ans, fourni un certificat de moralité, et subi, devant un jury de quatre docteurs, deux examens préalables de quatre heures chacun sur la philosophie. Ce n’est qu’après avoir fourni ces garanties d’aptitude que le candidat était admis à soutenir publiquement une thèse appelée Tentative. « Si la capse ou boète dans laquelle chacun des dix censeurs ou juges de l’examen jetait son billet se trouvait bonne, c’est-à-dire si elle ne contenait aucun mauvais billet », il était reçu bachelier et entrait en licence.

On restait en licence du deux janvier au trente et un décembre de l’année suivante, soit deux ans, pendant lesquels on avait à accomplir trois grands actes, le Grand Ordinaire, le Petit Ordinaire et la Sorbonique : c’était ce qui s’appelait être sur les bancs[1].

  1. Le nom de Grand Ordinaire et de Petit Ordinaire venait de ce que les disputes étaient soutenues au cours ordinaire des leçons ; celui de Sorbonique, de ce que l’épreuve avait lieu en Sorbonne : on la subissait pendant les vacances.