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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1894.djvu/490

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REVUE PÉDAGOGIQUE

n’est pas étonnant que l’empereur ait été séduit, comme tous les lecteurs de Victor Duruy, et qu’il ait fait du professeur un grand-maître de l’Université. Les affinités étaient nombreuses entre le souverain et le ministre. Et d’ailleurs jamais choix plus inattendu ne se trouva plus justifié. Ministre improvisé, Victor Duruy trompa les malignes espérances de ceux que son élévation avait surpris ou indignés, il dépassa l’attente de tous ceux qu’elle avait réjouis. C’est qu’il apportait à la direction de l’instruction publique un amour profond du peuple, une conception haute et ferme des besoins de la démocratie, un sentiment du devoir professionnel, une dignité calme et fière, une intégrité que l’on n’a rencontrés au même degré chez aucun des ministres du Second Empire.

Si l’on réfléchit aux résistances qu’il trouvées dans l’entourage même du souverain, à la levée de boucliers ecclésiastiques provoquée par le fameux discours du 11 mars 1867, et surtout à la force d’inertie d’une partie du haut personnel universitaire, qui a accumulé sur sa route les formidables obstacles de l’apathie et de la routine, on admirera qu’il ait pu remplir, sans une heure de défaillance, la tâche qu’il s’était assignée. Il n’est pas une partie de l’administration si complexe de l’instruction publique qu’il n’ait embrassée d’un regard ferme et clair. Il n’en est pas une où il n’ait mis sa marque. En tous sens, les grands ministres réformateurs de la République, les Jules Ferry, les Goblet, les Bourgeois, les Spuller n’ont eu qu’à reprendre et à compléter son œuvre. Il a été vraiment un précurseur.

Nous ne rappellerons, dans cette Revue, que ce qu’il a fait pour l’enseignement primaire. Le rapport à l’empereur du 6 mars 1865 sur l’obligation, le décret du 28 mars 1866 sur la gratuité, et la loi du 10 avril 1867 sur l’enseignement primaire sont les trois actes principaux de cette féconde administration. Le rapport du 6 mars, qui eût gagné la cause de l’obligation, si elle avait pu l’être à ce moment, était trop absolu, au moins dans les prémisses, Victor Duruy lui-même l’a reconnu, et les conclusions, assez timides et assez vagues pour que l’empereur ait pu y souscrire, se bornaient à déclarer que l’instruction populaire était un grand service public et que ce service, comme tous ceux qui profitent à la communauté. devait être payé par la communauté tout entière. Napoléon III ne fit pas plus de difficultés pour affirmer, avec son ministre, que le