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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1894.djvu/491

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VICTOR DURUY

droit de suffrage a pour corollaire le devoir d’instruction, et que tout citoyen doit savoir lire, comme il doit porter les armes et payer l’impôt.

Le décret du 28 mars 1886, qui étendit la gratuité sans détriment pour les instituteurs, et qui était un acheminement vers la gratuité absolue, conseillée et confiée aux municipalités, provoqua d’abord la même opposition. On allait répétant dans les milieux gouvernementaux que la gratuité absolue c’était le socialisme, comme on avait dit que l’obligation, même votée par la commune, même appliquée avec de faibles sanctions par un conseil de pères de famille, c’était l’utopie insensée, la persécution et la tyrannie. Victor Duruy n’était pas homme à se laisser arrêter par ces critiques ou par ces attaques. Quand l’attaque était trop violente ou la critique de trop mauvaise foi, il répondait par une note précise et dédaigneuse du Bulletin de son ministère, où il se contentait de rétablir l’exactitude des faits ; il répondait plus volontiers encore dans un discours public aux Sociétés savantes, à l’Association philotechnique ou à l’Association polytechnique, disant les résultats acquis, montrant par exemple que lorsque le nombre des enfants admis gratuitement dans les écoles augmente de cent mille et que la rétribution scolaire est diminuée d’un million, cette diminution équivaut à une remise d’impôt d’égale somme.

Ces constatations, Victor Duruy les répétait dans toutes les cérémonies publiques, et, d’habitude, il en faisait modestement remonter tout le mérite à l’empereur. Mais le légitime orgueil des grands services rendus à l’Université et au pays éclata dans la discussion de l’importante loi du 10 avril 1867, qu’il appela une loi de justice, de réparation et d’humanité. Il dit, aux applaudissements du Corps législatif, que cette loi créait 8,000 écoles de filles et 2,000 écoles de hameaux, qu’elle instituait 13,000 maîtresses de travaux à l’aiguille, qu’elle améliorait la situation de 15,000 institutrices, qu’elle assurait le sort de 14,000 adjoints, qu’elle garantissait une indemnité aux 30,000 instituteurs ou institutrices dirigeant des cours d’adultes.

C’est le 11 mars 1867, dans le cours de la discussion sur l’article 18, relatif à la dispense du service militaire, que Victor Duruy prononça la fameuse phrase qui lui a été fort reprochée. « Le pays, disait-il, le pays, avec son vieux bon sens gaulois, ne comprendra jamais