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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1898.djvu/293

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L’ENSEIGNEMENT INTÉGRAL

Ces deux grands principes admis, il est clair qu’il suffira de faire valoir le patrimoine commun, et c’est une question d’apprentissage des méthodes. Vouloir enseigner les résultats de la science, c’est une tâche décourageante par son immensité, désespérante par sa stérilité. La vérité capitale en pédagogie, c’est qu’il ne faut point enseigner la science ; il faut enseigner la méthode qui conduit à la science. Une fois en possession de la méthode, peu importe que l’élève oublie la moitié de ce qu’il sait. Descartes, le plus grand des mathématiciens, n’avoue-t-il pas qu’il fut un jour arrêté par l’extraction d’une simple racine carrée ? Ii avait oublié la règle, il en fut quitte pour la retrouver en reconstruisant la théorie.

Cultivons donc la raison et par suite la méthode : la mémoire et l’imagination ne sont que des auxiliaires. Comme preuve de l’excellence de la méthode de Descartes, M. Bertrand passe en revue les domestiques de Descartes qui devinrent des savants : Gutschowen, qui devint professeur à l’Université de Louvain ; Gillot, qui enseigna la fortification, la navigation, la mécanique aux officiers du prince d’Orange ; le Limousin ; Schluter, son valet de chambre, dont Descartes fit un auditeur en Suède, sans compter le cordonnier Dick qui devint un astronome de premier mérite.

On sait que pour utiliser la générosité d’Alibert, trésorier général de France, qui lui offrait une partie de sa fortune, Descartes avait dressé un plan d’enseignement professionnel des ouvriers de Paris. L’idée essentielle était de réunir les professeurs de mathématiques et de physique et les instruments nécessaires pour rendre aux artisans « raison de toutes choses et leur donner du jour pour faire de nouvelles découvertes dans les arts ».

Cette importance de la méthode, Aug. Comte la proclame à son tour et, de plus, il apporte ce qui a manqué à tous les philosophes qui l’ont précédé, à savoir une classification rationnelle des sciences. « Aug. Comte, dit excellemment Stuart Mill, n’eût-il rien fait d’autre, cette merveilleuse systématisation l’aurait désigné à tous les esprits compétents pour apprécier cette œuvre, comme un des principaux penseurs du siècle[1]. » Une bonne classification manqua aux théoriciens de l’éducation à l’époque de la Révolution.

  1. P. 119.