Aller au contenu

Page:Revue pédagogique, second semestre, 1906.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
UN ENSEIGNEMENT PRIMAIRE JANSÉNISTE DE 1711 À 1887

les mains ;… pour faire répéter le catéchisme, il faisait le signe de la croix. Il avait sur la table une règle ou une baguette appelée le signal, et, suivant qu’il frappait sur un bureau un, deux ou trois coups, les écoliers savaient qu’ils devaient commencer ou cesser de lire ou corriger une faute. Si l’enfant lit trop haut le bout du signal est baissé vers la terre ; et ce sera le contraire s’il lit trop bas. Pour avertir ceux qui font du bruit dans la classe, le maître lèvera un peu la main droite comme s’il la voulait porter à l’oreille. » — Assurément, cette façon de commander et de réprimander était bien dans l’esprit de Port-Royal. Saint-Cyran déclarait, — et précisément un des « frères Tabourin » du xviiie siècle, le père Aupé, louait cette parole en 1760, — que toutes les règles de l’éducation pourraient se réduire à trois points : « parler peu, tolérer beaucoup, et prier encore davantage ». L’un des « messieurs » les plus pénétrés de la pure philosophie janséniste, M. de Sacy, « me répétait », raconte Fontaine, qui fut un des maîtres des Petites Écoles de Port-Royal, « qu’il n’y avait point de vertu qu’on dût plus pratiquer avec les enfants que la patience et le silence ». Et l’on sait combien ce mot revient fréquemment dans les instructions et règlements de Jacqueline Pascal. Or, tout naturellement, si les Jansénistes avaient tant de confiance dans le silence, comme moyen de discipline morale comme de domination intellectuelle, lorsqu’il s’agissait de ces classes de Port-Royal où ils n’avaient affaire qu’à une petite élite de jeunesse bourgeoise et triée, — à plus forte raison Tabourin et ses confrères y devaient-ils recourir dans les écoles parisiennes où ils avaient à manier des troupes tumultueuses d’enfants du peuple. Mais cela, J.-B. de La Salle l’avait compris avant eux[1] : « Le maître, écrivait-il, veillera particulièrement sur lui-même pour ne parler que rarement et fort bas… Quand il donnera quelques avis, il le fera toujours d’un ton médiocre… Lorsqu’il parlera, il le fera fort gravement et toujours en peu de mots… Il serait peu utile que le maître s’appliquât à faire garder le silence aux écoliers, s’il ne le gardait lui-même… » — Et de même pour les punitions et récompenses. Les maîtres du faubourg Saint-Antoine conseillent, dans l’emploi de la férule, du mar-

  1. Guibert, ouvr. cité, p. 211, d’après la Conduite des Écoles.