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À PROPOS D’UN LIVRE SUR ROME

ou l’ombre tiède. Quant à l’été romain, il est calomnié : en juillet, le soleil a beau écraser de flamme les grandes places et les avenues spacieuses, assoupir Rome entière de midi à trois heures ; les rues étroites, qui sont les seules rues vraiment italiennes, conservent pour les flâneurs de la fraîcheur et de l’intimité ; les soirs sont longs et beaux ; la nuit, la foule qui anime les promenades ne peut se décider à regagner les maisons et à s’endormir.

Les églises et les palais de Rome fournissent à l’existence un cadre dont on ne reconnaît pas tout de suite la perfection. Les façades du xviie et du xviiie siècles sont les plus nombreuses : on s’intéresse peu, d’abord, à ces architectures baroques, colonnades illogiques, ornements semés à profusion, statues déclamatoires, vestibules prétentieux derrière lesquels rien de sérieux n’apparaît. Puis on se rend compte que ces monuments, dont chacun pris en soi peut sembler banal ou de mauvais goût, forment des ensembles typiques et charmants. Sous les rayons excessifs de midi ou sous le clair de lune, on les apprécie comme il faut les apprécier, comme des décors agréables, pas tout à fait réels et solides, d’une pompe un peu factice, accessoires appropriés d’une vie heureuse ; la place d’Espagne, la place du Peuple, la place Colonna, la place Navone sont autant de compositions irréprochables, quoi que l’on veuille penser de tel ou tel morceau.

Au milieu de ces « fabriques » se groupent naturellement les silhouettes des paysans du Latium, drapés dans leurs manteaux, des femmes aux bijoux lourds, aux costumes polychromes ; l’afflux des étrangers et de la civilisation internationale n’a pas chassé de Rome le pittoresque local. Le mercredi et le dimanche, dans les quartiers qui longent le Tibre, c’est une foule remuante et bigarrée de personnages habillés à souhait pour les peintres. Car Rome n’est pas, comme Paris ou Londres, une grande ville entièrement isolée de la vie rurale : la campagne pénètre en elle, envoie Jusque dans les rues les plus fréquentées ses chariots attelés de bœufs, ses diligences archaïques, son odeur d’herbe et de vin frais. Au surplus, des collines entières, dans l’enceinte de Rome, sont déjà les champs : dans les sentiers du Petit Aventin, quand les vergers sont en fleurs, on croit traverser les jardins