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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1907.djvu/249

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À PROPOS D’UN LIVRE SUR ROME

dalles, ces fontaines, ces madones n’ont guère changé à travers les générations ; en face d’elles, l’éclat ou l’atrocité des faits où elles furent mélées s’impose davantage à l’esprit. Tant d’hommes célèbres sont venus dans cette ville, pour agir ou pour contempler, qu’on pourrait presque placer sur chaque maison une de ces plaques commémoratives si chères aux Italiens, qui connaissent les qualités de leur langue. Ce sol est tout bossué de ruines ; les siècles écoulés, ici, sont partout présents.

Une promenade à travers Rome fait surgir ainsi dans la mémoire, avec un relief nouveau, les souvenirs qu’y a déposés l’éducation classique, et qui n’étaient guère, avant cette expérience directe, que des ombres sans corps. L’instruction que nous avons reçue confère une importance sans égale, un intérêt universel aux événements et aux hommes par lesquels la petite cité latine accrut progressivement son empire ; Cincinnatus et Menenius Agrippa ne sont plus des gloires locales : grâce à la culture classique, ils sont devenus des types représentatifs de l’humanité ; et reconnaître le champ que Cincinnatus labourait, la colline où Menenius allait raconter son apologue, ce n’est pas regarder un champ quelconque, une colline semblable à toutes les collines. Si l’on peut soutenir, d’ailleurs, que notre éducation, en cela, n’est pas sans fausser les proportions vraies, qu’elle nous fait voir trop grande une réalité assez humble et commune, du moins Rome, après les siècles de ses débuts et ses guerres âpres contre les peuplades d’alentour, a tenu dans l’histoire du monde assez de place pour que son passé occupe légitimement nos imaginations. Sur ce double sommet du Capitole que dominent maintenant l’ambassade d’Allemagne et l’église d’Ara Cali, la puissance romaine s’affirmait par le temple où la triade divine protégeait l’éternité de la ville, par la citadelle réservée comme un dernier refuge contre les invasions gauloises ou les menaces d’Hannibal. Sur ce mont Palatin, où les restes des vastes constructions en briques alternent avec les lauriers et les yeuses, les empereurs ont organisé la gigantesque machine administrative qui étendait sur l’univers la discipline et la paix romaine. Et si la révolution qui mit fin aux sociétés antiques est partie de Judée et d’Asie Mineure, c’est ici, après les malédictions passagères de l’Apocalypse, qu’est né vraiment l’ordre