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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1907.djvu/250

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REVUE PÉDAGOGIQUE

nouveau des choses, et que le système du monde, en retrouvant une position d’équilibre, fixa pour plusieurs siècles son centre de gravité. Le Latran et le Vatican, comme le Forum, sont des entassements d’histoire.

Sur quelque point de Rome que l’on médite, la pensée découvre une profonde superposition de souvenirs. Pour mieux dire, les traces des différentes époques se pénètrent intimement, l’antiquité et le christianisme se rejoignent par d’innombrables contacts ; transition, filiation, évolution, tels sont les mots qui s’offrent d’abord pour exprimer l’idée dominante de ce pays. « Il y a ici entre tous les legs du passé, moellons ou sentiments, dit M. Schneider, la cohésion que donne le fameux ciment romain. » La passion conservatrice des Romains antiques, le goût des modernes pour les combinazioni, sont les applications particulières de cet art d’harmoniser les contrastes par lequel semble se manifester le « génie du lieu ». La cabane de Romulus subsistait sur le Palatin près de la haute demeure de Tibère ; le Quirinal et le Vatican vivent l’un en face de l’autre en ennemis pacifiques, qui se plaisent aux relations de bon voisinage. Entre l’art de l’antiquité profane et l’art du christianisme primitif on aperçoit chaque jour de nouvelles soudures ; les statues de Cérès et de Junon, à Sainte-Agnès, à Sainte-Croix, sont vénérées sous le vocable des saintes ; les plafonds de mainte basilique s’appuient sur des colonnes arrachées aux temples ; la Renaissance a pu, sans scandale, glorifier païennement la nature dans les églises et dans le palais des papes. La terre italienne est trop belle pour permettre le mysticisme pur des contrées septentrionales : une cathédrale gothique comme celle d’Amiens ou de Chartres serait ici un non-sens ; dans les cloîtres les plus religieux, les palmiers ou les orangers posent une note de joie mondaine et de bonheur terrestre. Les termes qui ailleurs se combattraient et se feraient antithèse, se rapprochent à Rome et se rejoignent. Cette continuité sans heurt qui va des époques archéologiques aux temps modernes est sentie plus ou moins nettement par tous, même les moins instruits. Les mœurs la traduisent, le langage la proclame : oisifs et hommes d’affaires se pressent sur la place Colonna comme autrefois sur le Forum ; personne ne songe à s’étonner que le commissariat de police soit la questura et que le