L’exemple de Frédéric Mistral.
On a pu trouver quelque peu prématurée l’apothéose que le peuple du Midi a voulu faire ces temps derniers à son grand poète, Frédéric Mistral. Mais quelle que soit l’opinion que l’on ait sur l’opportunité d’une telle manifestation, je pense que personne ne peut se refuser à reconnaître que peu de figures sont, plus que celle-ci, dignes de se dresser au-dessus des hommes. Une œuvre vaste et harmonieuse, une existence droite, sincère, saine, une haute et pure renommée, c’est là ce que nous avons prétendu glorifier. Il n’est pas, je le crois, beaucoup d’exemples, qui pourraient être plus utilement proposés à la jeunesse que celui de Frédéric Mistral. — Sa vie, son œuvre sont connues. Je n’ai pas besoin de les examiner dans le détail. Je voudrais simplement en tirer l’enseignement moral, social et littéraire.
Cette existence nous enseigne avant toute chose le prix du travail, et aussi quelle doit en être la qualité.
Il se peut bien que l’enthousiasme soulève ce cœur de jeune homme, à la pensée de restaurer une langue, de refaire une littérature et que son rêve s’exalte dans les réunions de Font-Ségugne, où chantent Roumanille, Aubanel, Tavan, Anselme Mathieu. Cette belle fièvre ne se traduira point en éclats, en agitation, en œuvres hâtives. Fils de paysans, ce poète sait la lenteur des travaux de la terre, et qu’il faut un hiver d’attente pour voir, au printemps, monter la promesse des blés. Sans hâte, dans la solitude de son mas, il écrit un poème en douze chants, avec la conscience d’un noble ouvrier, qui ne se soucie point d’autre chose que de faire une œuvre parfaite. Le succès que pourra obtenir une telle œuvre, dont le public sera forcément restreint, c’est à peine s’il s’en préoccupe. L’approbation de quelques