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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1911.djvu/518

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REVUE PÉDAGOGIQUE

de pénétrer le mystère du caractère d’Hamlet. Un autre jour, besogne plus aisée, il nous analyse la thèse de Léon Bouchez sur Cowper[1] ou celle de Beljame sur le public et les hommes de lettres en Angleterre au xviiie siècle.

C’est le privilège de l’âge d’avoir connu Angellier conférencier. Peu de personnes se le rappellent dans ce rôle. Déjà, en 1855, j’avais entendu à Boulogne sa conférence sur la Chanson de Roland. Je crois bien qu’il ne laissait rien à l’improvisation, qu’il lisait. Il était peut-être un peu monotone, mais si sympathique !

Angellier professant ex cathedra, c’est Angellier débutant. Plus jamais je ne le revis ainsi, mais bien dans l’attitude où nous le montra dès lors même la deuxième heure du cours. Debout auprès de nous, s’acharnant avec nous après un texte, ou critiquant nos travaux, voilà l’Angellier définitif. Tous l’ont connu ainsi.

Ce nous était une vie universitaire toute nouvelle en ces temps lointains. Aux autres cours nous demeurions passifs ; on nous maintenait dans une région distante du maître. Pour la première fois nous nous trouvions rapprochés de lui, nous goûtions la flatteuse illusion de collaborer à une besogne commune. Là-bas, nous étions un peu ces petites cruches du roman de Dickens, qu’on emplissait de faits ; ici, nous étions des personnalités pensantes, dont l’opinion était consultée, discutée et tantôt admise par le maître, tantôt abandonnée par nous-mêmes.

Autre nouveauté. Si le maître n’était pas ponctuel à arriver au cours, il l’était moins encore à le quitter. La notion du temps n’avait pu trouver place dans ce cerveau si rempli. On finissait quand on pouvait. Il arriva maintes fois que, la séance levée, la conférence continua dans la rue, où les paisibles Douaisiens, dans les commencements, durent plus d’une fois se retourner avec une curiosité mêlée de quelque inquiétude sur ce groupe de jeunes gens, facilement reconnaissables pour des étudiants, race malfaisante, mené par un personnage au teint basané, aux traits exotiques, à l’allure nonchalante, et que son costume — feutre mou cabossé, col de chemise rabattu largement ouvert, lavallière

  1. 11 mai 1882.