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suffi t-il d’avoir résolu le premier problème, d’avoir montré en quoi consiste la connaissance, pour passer immédiatement au problème dé l’ontologie ? Toute seule, l’épistémologie ne fournirait que des données incomplètes. Il resterait toujours un doute fort grave : ce qui est absolument ne serait-il pas ce dont nous ne pouvons avoir aucune connaissance ? Ne pourrions-nous pas ignorer complètement la réalité, et n’être réduits qu’à de pures illusions ? À quoi servirait alors d’étudier la connaissance ? Il n’y a qu’une manière de répondre à ces objections : c’est de regarder en face, pour ainsi dire, notre ignorance et de l’étudier en elle-même, de voir, ce qu’elle est, de déterminer exactement ce que nous ignorons, ce que nous pouvons ignorer. De là, une troisième division, intermédiaire entre les deux autres, l’AGNOIOLOGIE (λόγος τῆς άγνοιας, — la science de la véritable ignorance).

Telles sont les trois divisions nécessaires de la philosophie spéculative ; tel est l’ordre dans lequel on doit les exposer. Reste à savoir quelle sera la première question de l’Épistémologie, quel sera, en d’autres termes, le point de départ de la métaphysique. On ne peut se demander, comme Platon, dans le Théétète : qu’est-ce que la connaissance ? C’est, en effet, une question équivoque, inintelligible en réalité, et si Théétète dit bien quelles sont nos diverses connaissances, il ne dit pas et ne peut pas dire en quoi la connaissance elle-même consiste. Il faut donc dédoubler la question et se demander : 1° Quels sont les différents genres de nos connaissances ? 2° Quel est le trait commun à toutes les connaissances ? C’est cette seconde question, véritablement philosophique, qui se pose nécessairement au début de l’épistémologie et de la métaphysique. On doit donc déterminer d’abord quel est cet ens unum in omnibus notitiis ; la réponse donnera la première proposition des Institutions de métaphysique, et sera le premier anneau de cette chaîne de vérités nécessaires qui forme le système tout entier.

II


« Quelle que soit la connaissance, toute intelligence doit avoir, et c’est là le fondement ou la condition de sa connaissance, quelque notion d’elle-même. » Voilà la première proposition, la réponse à la première question. Elle formule la loi la plus générale, la loi essentielle de toute connaissance. Elle fait connaître quel est le trait commun à toutes nos connaissances, l’ens uniim, et semper cogni-