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purement imaginaire. Cette question accessoire, que Kant se pose et résout dans la 3e remarque (Krit. d. r. V. p. 200), fait oublier à M. Desdouits la démonstration principale, exposée deux pages plus haut. — La dialectique nous paraît mieux comprise que l’analytique. Mais, ici encore, nous regrettons que M. Desdouits n’ait pas insisté comme il convient, ou plutôt se soit arrêté à peine sur la distinction, capitale pour la solution de la 3e antinomie, du caractère empirique et du caractère intelligible, p. il9. — En général, l’auteur ne semble pas tenir compte de la signification historique de la dialectique ; il ne songe pas assez que Kant s’adresse surtout soit à la psychologie rationnelle d’un Mendelshonn, soit à la cosmologie de Wolff, soit à la théologie d’un Reimarus, pour ne parler que des principaux. Il oublie que Kant est avant tout préoccupé de réfuter le dogmatisme des Leibniziens dégénérés, qui croyaient pouvoir fonder sur l’expérience la démonstration des trois Idées de la Raison.

La critique de la raison pratique est généralement très-exacte. On voit que les idées de Kant déconcertent moins ici par leur originalité le jugement de l’auteur ; mais elles ne l’étonnent peut-être pas assez. Nous craignons qu’il n’entende pas toute la profondeur et la nouveauté métaphysique du concept de l’autonomie morale. Il rattache trop étroitement (p. 177 et suiv.) l’impératif catégorique à l’affirmation d’un législateur moral, distinct du moi, d’un Dieu législateur en un mot. Il met les postulats de l’immortalité et de la providence divine sur la même ligne que celui de la liberté ; et croit que Kant les affirme aussi résolument tous les trois. Il oublie ce que Kant dit de Spinoza (Krit. d. Urtheclsk, p. 466) et de la possibilité d’être vertueux, non pas assurément sans croire à une sagesse suprême (moralische Welturheber), mais sans admettre l’immortalité, sans être spiritualiste au sens rigoureux du mot.

La critique du jugement est peut-être la partie la plus étudiée du système de Kant. Nous trouvons seulement que la distinction des jugements réfléchissants et des jugements déterminants n’est ni suffisamment nette ni parfaitement exacte. Par le jugement de réflexion, lisons-nous (p. 197), « l’idée que nous avons des propriétés et de l’essence de l’objet reste la même qu’avant la réflexion ; cette réflexion n’affirme qu’une chose de plus, le plaisir que nous cause l’harmonie perçue ou pressentie entre les lois de ma pensée et les lois de la nature. » Le parag. IV de l’Introduction à la critique du jugement, auquel M. Desdouits nous renvoie en note, ne contient absolument rien de semblable. La remarque de notre auteur est vraie sans doute des jugements esthétiques ; mais ne s’applique pas à tous les jugements réfléchissants. Le sens du IVe paragraphe en question ne ressort pas clairement d’une interprétation aussi équivoque que la suivante (p. 198) : « Dans le jugement réfléchissant, le particulier m’est donné d’abord ; ensuite, par la réflexion, je rapporte ce fait particulier à quelque loi générale : ainsi je commence par percevoir le phénomène, et ensuite je me demande quelle est sa place dans l’ordre général du monde. » La dernière ligne