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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/289

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l. carrau. — la philosophie de m. g. h. lewes

tions semblables, diffère de ces perceptions mêmes, et ce n’est que par tâtonnements et vérifications Incertaines que nous parvenons à établir un rigoureux parallélisme entre la logique des signes et la logique des sensations.

Nous ne pouvons, dans les limites étroites d’un article, aborder la discussion complète de cette importante théorie. Nous nous contenterons de reproduire, à un autre point de vue, l’unique, mais grave objection qui a fait jusqu’ici tout le fond de notre critique. Nous avons déjà combattu, au nom de l’activité consciente du moi, l’hypothèse d’une identité substantielle entre le sujet et l’objet ; nous demandons maintenant comment, dans « le tissu de l’existence universelle, » certains fils se détachent d’eux-mêmes pour former l’objet-sujet. — On nous répondra toujours par l’évolution, la différenciation de l’homogène, la rupture de l’équilibre primordial. Mais, malgré notre sincère désir d’entrer dans ces nouveautés, nous ne parvenons pas à trouver la réponse suffisante. Cette redistribution de l’être vague et diffus, aboutissant à la constitution d’un système capable de se dédoubler en objet et en sujet, nous semble toujours un effet sans cause. Nous restons fermé à cette logique à qui il ne répugne pas que l’indéterminé se détermine tout seul, et que dans la sphère infinie de l’existence universelle s’inscrive une sphère plus étroite qui se fasse un centre conscient d’où elle contemple sa propre circonférence. Nous persistons à penser que toute détermination suppose une cause antérieure déterminante, que tout système ordonné implique une raison ordonnatrice, et qu’une conscience ne peut émerger d’éléments inconscients sans un principe qui s’ajoute à ces éléments et en soit substantiellement distinct.

Nous n’avons pu, dans le cours de cette exposition, donner qu’une idée fort incomplète du livre de M. Lewes. Nous avons dû notamment omettre les intéressants Problèmes sur la matière et la cause, la cause et la force, l’absolu dans les corrélations du sentiment et du mouvement. Il y a là toute une métaphysique qui ne manque ni d’originalité ni de profondeur. Nous la signalons aux méditations des philosophes, sans renoncer à l’espoir d’en aborder un jour l’examen. Si nous nous sommes surtout attaché, dans cette première étude, à l’analyse des doctrines psychologiques de M. Lewes, c’est qu’elles nous paraissent contenir en abrégé tout son système. Nous serions heureux d’en avoir donné une idée suffisamment exacte, et d’avoir fait apprécier à sa valeur un des esprits les plus nets et les plus vigoureux de cette grande école expérimentale qui, malgré ses défauts, n’en représente pas moins une des tendances légitimes et impérissables de la philosophie.

Ludovic Carrau.