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allemande » (Vorlauferin der deutschen Æsthetik). — Que l’historien allemand nous permette ici quelques remarques.

Si ce n’est qu’un antécédent sans valeur réelle, pourquoi tant s’y attarder ? Le critique et l’historien ici ne sont pas d’accord.

Le rôle de précurseur, dira-t-il, est déjà assez beau. Dans le Nouveau Testament ce rôle est fort grand et vénéré. Je le sais ; il faudrait dire aussi que le précurseur de cette science ne l’a pas baptisée. C’est Baumgarten, et il est Allemand. À ce titre ce serait lui qui serait le précurseur. Mais je veux que toute cette esthétique étrangère et antérieure, qui doit se contenter de l’honneur d’être le précurseur de l’esthétique allemande, soit à peine digne aujourd’hui de délier les cordons de ses souliers ; encore a-t elle le mérite d’être venue avant elle, comme Descartes d’avoir été le précurseur de Kant. Cela dit, je ne reviendrai pas sur l’esprit d’annexion ici trop visible et contre lequel la dialectique, si elle n’était si complaisante, aurait dû au moins protester.

Toute cette époque est désignée par notre auteur sous le titre d’Esthétique populaire (Popular Æsthetik).Et dès lors, il le prend de très-haut avec elle comme n’ayant rien de scientifique. Ce n’est pas de la science (Wissenschaft). Soit, mais disons-le, M. Schasler a beaucoup abusé de ce mot dans toute son histoire. Il ne voit pas jusqu’où cela va le conduire. Un esprit aussi sagace aurait dû s’en apercevoir. Pour lui, en effet, presque toute l’esthétique allemande devient de l’esthétique populaire. D’abord, toute la première période, celle de Baumgarten et de son école est ainsi désignée : Winkelmann, Lessing, Eberhard, Sulzer. Kant seul, à la fin, fait exception, mais tous les autres, ses adversaires et disciples, Herder, Gœthe, W, de Humbolt, sont tous des esthéticiens populaires. Schiller, qui a rendu à cette science de si grands services, est rangé dans la même catégorie. Mais Fichte qui n’a rien fait pour elle obtient une place assez notable quoiqu’il soit mal traité. Pourquoi ? c’est qu’il a fait de la science spéculative. J. Paul, W. de Humbolt, les Schlegel, les romantiques n’appartiennent pas à la science, car leurs écrits ne sont ni méthodiques, ni sévèrement scientifiques. Mais que l’historien y prenne garde, à ce compte toute l’esthétique allemande va y passer. Du moins, elle se trouvera réduite à trois ou quatre noms, il est vrai, peu populaires, non tous fort connus ou inégalement célèbres. Schelling en fera-t-il partie ? on verra comment. Hegel qui n’a pas cru devoir être sévèrement dialecticien, pourrait bien à son tour être exclu. Que reste-t-il ? deux ou trois de ses disciples qui ont mis ce titre (Wissenschaft des Schönen) en tête de leurs livres : Weisse, Vischer et plus tard M. Schasler.