Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/368

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
358
revue philosophique

pas dans sa pensée, qui est nette, mais dans l’expression de sa pensée, ou qu’en l’attaquant par ses divers éléments, il se soit toujours trouvé ramené à la reproduire sous une forme trop peu variée. Il nous a paru utile de condenser et de systématiser cette pensée et d’en présenter l’ensemble.

I

Pour George Grote le sentiment éthique ou la conscience morale est un produit de l’état social, c’est un résultat complexe de la sanction que la société attache à l’observance ou à la non-observance des prescriptions qu’elle impose, afin d’assurer son bien propre, et d’après l’idée qu’elle s’en forme. Nous en pourrons donner plus loin une définition plus exacte au point de vue psychologique. En dépit des innombrables différences de lieu et de temps, le sentiment éthique offre partout et toujours un fond commun, c’est l’obligation pour l’agent de suivre une certaine ligne de conduite à laquelle s’attache indissolublement, comme sanction, l’approbation ou la désapprobation du corps social. Voilà ce qu’on peut appeler la forme du sentiment éthique ; la matière de ce sentiment se compose des diverses croyances morales des sociétés.

Une partie de la matière du sentiment éthique est commune à tous les temps et à tous les lieux, c’est-à-dire que la société a partout et toujours attaché une sanction à certaines prohibitions et à certaines prescriptions, sans lesquelles elle cesserait d’exister. En outre, le sentiment éthique a partout et toujours pour effet de développer et d’encourager le penchant à la bienveillance qui existe chez les membres d’une même société. Enfin il établit dans l’esprit un type de conduite auquel chacun doit se conformer quel que soit ce type.

À cela près, tout diffère. Le catalogue des actes louables, pour ne rien dire des dispositions, auxquelles la sanction s’attache aussi bien qu’aux actes, diffère d’un état de société à l’autre, d’une époque à l’autre. Partout il y a des actes réputés coupables ou vertueux, honteux ou honorables, mauvais ou bons, malséants ou bienséants. Le vocabulaire de l’éloge ou du blâme reste le même, mais la nomenclature de leurs objets change selon les temps et les éléments. L’homme vertueux d’une époque n’est pas toujours selon le type accepté d’une autre époque.

Du moment qu’on ne se refuse plus à voir dans le sentiment social le premier motif de la détermination morale, tout s’explique dans les sentiments éthiques, les ressemblances comme les différences. La