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À ces observations en faveur du pape Urbain VIII et de l’Inquisition il serait aisé de répondre, qu’il n’y a pas de promesse, extorquée ou non, qui puisse nous astreindre à ne pas dire la vérité ; qu’au contraire l’obligation de la chercher et de la faire connaître est au-dessus de toute prescription ; mais sans avoir recours aux droits imprescriptibles de la raison, et au point de vue même des conditions juridiques du temps, on peut démontrer le tort de la cour de Rome et l’innocence de Galilée. En vain le grand physicien s’était contenté de présenter le système de Copernic comme une opinion probable, en vain il s’était porté personnellement à Rome pour soumettre son manuscrit au maître du Sacré Palais, le père Riccardi, et avait obtenu des autorités la permission formelle de l’imprimer, en vain, le pape en avait été informé ; Galilée avait tort, il devait connaître les règles à suivre mieux que la cour de Rome et les autorités ecclésiastiques qui accordaient l’impression de son ouvrage. Le livre se publie, le bruit qui s’en fait dans le public est considérable ; les partis se passionnent ; Rome s’émeut, le pape désigné par les malins dans la personne de l’interlocuteur péripatéticien, Simplicius, s’irrite et se tient pour offensé ; Galilée est donc coupable ; en effet, pourquoi, en demandant au père Riccardi l’autorisation de publier son livre, ne l’a-t-il pas informé qu’il avait reçu 17 ans auparavant un avertissement, et qu’il lui était défendu de s’occuper du sujet de son livre, de quelque manière que ce fût ? Voilà le reproche qu’on lui fit et qu’on répète. Galilée devait sans doute aider la mémoire des Éminences de l’Inquisition et chercher apparemment tous les moyens de gâter sa cause qui était aussi celle de la science pour servir celle du despotisme ecclésiastique. En vérité, devant de semblables raisons, on se sent tenté de répondre avec la fable du loup et de l’agneau. Mais l’histoire est patiente et ne dédaigne pas de discuter avec le sophisme et la mauvaise foi.

Laissons de côté le prétexte et les mauvais raisonnements auxquels il a servi de base et venons aux faits les plus douloureux qui se rapportent au dernier procès, et d’abord parlons de l’examen sur l’intention. On sait qu’on appelait ainsi cette partie de l’interrogatoire qui avait pour but de sonder la conscience de l’accusé et de s’assurer si ses paroles étaient sincères, lorsqu’il protestait de son obéissance aux ordres de l’Église et de son éloignement pour les hérésies qu’on lui reprochait. Il apparaît, d’après les documents rapportés par M. Berti, que Galilée déjà âgé de 70 ans, fatigué par un voyage pénible, affligé par une infirmité dangereuse et plus encore par les chagrins dont on l’accablait, n’a pas opposé aux questions des inquisiteurs cette franchise audacieuse que des âmes plus jeunes et