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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/404

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peu près constamment le monde de l’expérience, la réalité sensible, matérielle. C’est dire que pour Dühring, à la différence des grands idéalistes allemands, et au contraire de son illustre contemporain, von Hartmann par exemple, l’être et la réalité matérielle (Sein et Wirklichkeit) sont entièrement identiques. Nous sommes en présence, en un mot, d’une doctrine très-décidément matérialiste. Mais gardons-nous pourtant de croire que la doctrine de Dühring ne fasse que reproduire, en les accommodant aux récentes découvertes de la science, les formes surannées du matérialisme traditionnel. Le matérialisme, comme le spiritualisme, se présente sous bien des aspects ; et sur le thème fondamental et invariable, les variations les plus nombreuses peuvent se produire. Notre analyse aura pour objet de faire ressortir l’originalité du matérialisme de Dühring.

L’Introduction traite de la définition et de la division de la philosophie. — La philosophie ne fait que « développer, sous sa forme la plus haute, la conscience du monde et de la vie, » La pensée, qui se manifeste à notre conscience, est identique dans son essence à celle de tout autre être ; et nous nous fatiguons en vain à construire le concept d’une intelligence, qui connaîtrait les choses en dehors des conditions imposées à notre propre intelligence. Sans cette condition, il n’y a pas pour l’homme de véritable science des choses. — La conscience embrasse les diverses formes du savoir et de l’action. La science résulte de l’exercice des diverses facultés de l’entendement, et tend à réaliser l’unité la plus haute entre le monde de nos pensées et celui des choses. Le perfectionnement de la volonté correspond au développement progressif et harmonieux de nos penchants naturels. — Dans la poursuite de cette double fin, la philosophie ne relève d’aucune puissance étrangère. Elle ne s’incline que devant l’autorité des faits, et n’admet que l’évidence de ses propres principes. Dans la plénitude de son intelligence et de sa volonté, l’homme ne se sent obligé de compter qu’avec la nature, et qu’avec ses semblables. Et il ne reconnaît à ces derniers d’autres droits que ceux qu’ils lui reconnaissent eux-mêmes.

Objet de la philosophie. — La philosophie, au sens large du mot, comprend l’étude des premiers principes du savoir et du vouloir. La réalité se ramène à des formes, à des éléments essentiels ; et le philosophe opère sur elle, comme le chimiste sur les corps qu’il décompose. À la philosophie proprement dite, on a toujours réuni bien des sciences diverses qui n’en font pas partie au même titre. Ainsi la morale ne saurait guère en être détachée, tandis que la logique figurerait assez bien avec les mathématiques parmi les enseignements préliminaires de la science positive.

I. Formes essentielles de l’être. — L’être est un, et comprend tout : l’unité de la pensée répond à celle de l’être. — L’unité de l’être en exclut l’infinité, sinon en puissance, du moins en acte. On peut qualifier d’infinie la fécondité inépuisable de la nature ; mais le nombre de ses pro-