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analyses. — b. ball. Maladies Mentales.

Les partisans de la seconde théorie, dont les plus célèbres représentants sont MM. Lélut, Griesinger, H. Taine, s’appuient sur cette thèse psychologique, qu’entre la sensation et l’idée il n’y a qu’une différence de degré ; la sensation étant, pour employer le langage de Spencer, l’état fort, et l’idée, l’état faible. Or, sous l’influence d’un état morbide, d’une excitation centrale portant sur le substratum anatomique de l’idéation, il est permis de comprendre qu’un état faible passe à l’état fort, en s’extériorisant, suivant les lois physiologiques connues. Mais là n’est pas la difficulté. C’est qu’en effet, il y a des cas où l’excitation sensorielle intervient manifestement dans la production du phénomène qui nous occupe (quand, par exemple, des hallucinations de la vue coïncident avec une ulcération de la cornée, ou sont modifiées par des mouvements des yeux), et cette intervention sensorielle suffirait d’après certains auteurs — et M. Ball est de leur avis, — pour faire rejeter la théorie psychique.

Mais à son tour la théorie mixte, psycho-sensorielle, à notre avis, manque de précision. Elle reconnaît qu’une excitation périphérique ne peut seule donner lieu à une hallucination sans une prédisposition individuelle. Mais qu’est-ce que cette prédisposition ? — Il nous semble d’ailleurs que tous les faits peuvent s’interpréter avec la théorie psychique, à condition qu’on lui fasse subir quelques modifications. L’hallucination ne doit pas être, en effet, nécessairement un fait isolé, simple ; elle peut se compliquer, se mêler à des sensations intercurrentes ; et de ce mélange, il peut résulter un fait psychologique qui paraîtra avoir son origine dans une excitation périphérique. Les associations psychologiques habituelles suffisent pour rendre compte de toutes les difficultés. À ce point de vue, l’illusion serait une hallucination compliquée, de même que les hallucinations signalées par Bostock (images suivant le mouvement des yeux), par Brewster, par Despine (dédoublement des images).

En résumé, l’hallucination peut être considérée comme un état de conscience qui de l’état faible passerait à l’état fort, sous l’influence d’excitations variables, venant soit des appareils sensoriels, des nerfs sensitifs, des ganglions encéphaliques (et en ce cas elle serait psychosensorielle), ou bien de la substance corticale, admise comme substratum anatomique de l’idéation (et alors elle serait purement psychique).

Ces conclusions ne diffèrent de celles de M. Bail, qu’en ce que cet auteur paraît soutenir que toutes les hallucinations ont pour origine une excitation des appareils sensoriels, et qu’elles ne peuvent être produites par la seule excitation de la substance corticale[1].

Y.
  1. Nous signalerons aussi aux lecteurs une brochure du Dr  Semal (de Mons) qui, sous ce titre : Situation morale et légale des aliénés (Bruxelles. Manceaux), étudie la question de la responsabilité. Ce travail, qui s’adresse aux philosophes au moins autant qu’aux médecins, révèle chez l’auteur une connaissance étendue de la psychologie contemporaine.