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ch. bénard. — l’esthétique de max schasler

vidus avant qu’il apparaisse dans l’histoire ? Tout cela c’est de l’observation et de l’expérience. Cette consultation directe des faits, en un mot c’est du réalisme ou la face réaliste des choses. Aussi malgré l’abus des formules qui nous a paru ici quelque peu ridicule, nous n’avons pu que rendre justice à la finesse et à la sagacité qui s’accuse dans cette partie de ce grand travail. De même, malgré des critiques beaucoup plus graves et d’autres que nous aurions pu faire, nous avons dû reconnaître combien dans l’exposé, l’interprétation et l’appréciation des doctrines, l’auteur s’est donné de peine pour bien les connaître et en offrir un tableau fidèle, pour entrer dans l’esprit des œuvres et des opinions, même de celles qu’il estime peu ou qu’il est loin d’approuver. Il n’y a pas jusqu’aux défauts de sa critique qui n’aient souvent leur source dans son amour pour les faits et la réalité concrète. C’est son aversion pour l’idéal abstrait qui lui a fait méconnaître le vrai rôle des deux représentants de l’idéalisme, Platon dans l’antiquité, Schelling dans l’esthétique moderne. Toute cette histoire enfin se termine par celle du réalisme et des écoles qui en Allemagne, plus ou moins, le représentent. Schopenhauer et ses adhérents, Herbart et ses disciples ferment la marche des systèmes. L’historien reconnaît les services qu’ils ont rendus et peuvent rendre à cette science en s’attachant à la face des choses dont principalement ils se préoccupent.

L’auteur nous promet dans le système qu’il annonce : 1° Une nouvelle théorie de l’apparence (Erscheinung) dans son rapport avec l’idée. L’apparence c’est le côté sensible, celui du réel ; 2° Il doit donner une nouvelle théorie du Laid ; 3° Une nouvelle division des arts, fondée sur cette distinction : les arts du repos (architecture, sculpture, peinture) ; les arts du mouvement (musique, danse, poésie). Il réintègre la danse parmi les arts véritables. Nous ne savons jusqu’à quel point il sera heureux dans ces changements. Mais tout cela indique un désir marqué de faire aux faits et à l’expérience sensible une part plus grande, de suivre en cela le mouvement des autres sciences.

Quant au rôle qu’il fait jouer à l’histoire dans son rapport avec la science elle-même, nous croyons l’avoir suffisamment caractérisé. Nous finirons par cette remarque. Il appartenait à l’hégélianisme, qui a tant fait pour la philosophie de l’histoire et pour l’histoire de la philosophie en particulier, d’élever aussi ce monument historique à une science dont il a si bien mérité : la science du beau et la philosophie de l’art.

Ch. Bénard.