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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, II.djvu/478

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elle. D’après la théorie de M. Delbœuf, je devrais d’abord être affecté péniblement par le parfum de la rose, et j’en trouverais l’odeur de moins en moins désagréable, et en dernier lieu de plus en plus agréable à mesure que je m’y habituerais. Mais chacun sait qu’il arrive précisément le contraire. Un spectacle amusant n’est-il pas une succession d’excitations, un changement continuel d’équilibre ? On pourrait dans une certaine mesure considérer le plaisir causé par les aliments comme un rétablissement de l’équilibre détruit dans la faim ou la soif ; mais la gourmandise fait trouver du plaisir à manger sans faim ou à boire sans soif. Quant aux plaisirs plus relevés qui accompagnent l’exercice de la pensée et de l’imagination, il serait plus difficile encore d’y appliquer la théorie de M. Delbœuf.

Cette théorie, il la présente aussi sous une autre face. Le corps a, selon lui, comme nous venons de le voir, la propriété de se mettre en équilibre avec le milieu ambiant ; il a, en d’autres termes, une certaine flexibilité, une certaine faculté d’accommodation. Mais cette faculté n’est pas illimitée ; le chaud ou le froid peuvent être assez considérables pour que la sensibilité elle-même soit détruite, pour que le corps soit désorganisé. La faculté d’accommodation ne s’exerce, par exemple, qu’entre une température inférieure et une température supérieure H ; et elle est au repos, elle n’est pas sollicitée, quand la température est moyenne entre et H, soit ce qui correspondrait à la température normale de la peau. Quand, par suite de l’influence du milieu, la chaleur a augmenté ou diminué, il y a tension comme quand une corde de violon est écartée de sa position naturelle. Cette tension peut atteindre un certain maximum, et toute sensation est accompagnée de peine ou de plaisir, suivant que l’on se rapproche ou que l’on s’éloigne de ce maximum de tension.

Cette seconde définition que M. Delbœuf combine avec la première n’en diffère qu’en ce que l’équilibre normal de tension, soit n’est pas identique à l’équilibre statique établi entre l’organe et le milieu par suite de l’accommodation. Mais cette théorie n’en est pas moins exposée aux mêmes objections que la précédente. Toute excitation qui aurait pour effet de rapprocher l’être sensible du maximum de tension devrait être désagréable, et il n’en est pas ainsi. Quand nous respirons l’odeur d’une rose, on ne peut pas dire que le sens de l’odorat se rapproche d’un équilibre normal dont il s’était écarté ; quand, après un moment de repos, nous portons les yeux