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théorique et pratique, « en mines et fourneaux[1] ». L’une fouille dans les entrailles de la nature, l’autre la façonne en quelque sorte sur l’enclume. Or la partie de la philosophie naturelle qui est spéculative, théorique, il croit devoir la scinder en physique spéciale et en métaphysique. En conservant le mot de métaphysique, Bacon, nous l’avons déjà dit, se flatte d’en changer le sens. On verra bientôt pour la seconde fois qu’en cela il est dupe d’une illusion.

Il établit, entre la physique qu’il appelle spéciale et la métaphysique, des différences qui n’en sont point, qui ne font que transporter à celle-là les caractères de celle-ci, et par conséquent les confondre. Il attribue à l’une et à l’autre la recherche des causes, ce qui revient à leur appliquer une seule et même définition et précisément la définition qu’Aristote a donnée de la métaphysique. Il s’aperçoit alors du danger qu’il court de mêler ce qu’il voudrait séparer. Il suppose qu’un adversaire lui demande : « Mais que laissez-vous donc à la métaphysique ? » Et il répond : « Rien sans doute qui soit hors de la nature, mais la partie de beaucoup la plus excellente de cette nature même[2]. » Cette explication lui paraissant insuffisante, il la complète en disant : « Nous pouvons encore répondre, sans blesser la vérité et sans nous écarter jusqu’ici du sentiment des anciens, que la physique traite des choses entièrement plongées dans la matière et variables, tandis que la métaphysique considère les choses plus abstraites et plus constantes. » Il espère être encore plus clair en ajoutant : « La physique ne suppose dans la nature que la simple existence, le mouvement et la nécessité naturelle, mais la métaphysique suppose de plus l’esprit et l’idée[3] ». Néanmoins, après ces tâtonnements, il fournit une explication dernière qui lui paraît décisive. « Quant à nous, abandonnant toute ampleur de style, et ne nous servant pour ces divisions que du langage le plus lumineux et le plus ordinaire, nous avons partagé la philosophie naturelle en recherche des causes et production des effets. Nous avons compris la recherche des causes dans la théorie, et cette théorie, nous l’avons divisée en physique et en métaphysique. D’où il résulte forcément que la différence fondamentale entre ces deux sciences doit être tirée de la nature des causes qui sont l’objet de leurs recherches. Ainsi, sans obscurité et sans périphrase, la physique est cette science qui a pour objet la recherche de l’efficient et de la matière, et la métaphysique est la science qui a pour objet la recherche de la forme et de la fin[4]. »

  1. De Augm., lib. , c. , t. , p. 169.
  2. De Augm., lib. , c. , t. , p. 172.
  3. Ibid : « at melaphysicam, etiam mientem et ideam. »
  4. De Augm., lib. , c. , t. , p. 172.