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e. de hartmann. — un disciple de schopenhauer.

de s’effrayer devant la perspective certaine que la terre aussi sera un jours congelée à moins que le processus universel n’atteigne son but avant cette catastrophe.

Il reste encore la possibilité que l’intelligence humaine suffise à elle seule pour atteindre le but universel. Mon système du monde est absolument noocentrique ; il prend seulement l’homme comme centre parce que nous n’avons pas de base pour admettre d’une manière positive que l’intelligence réside actuellement encore ailleurs que dans l’humanité. Il n’est cependant pas nécessaire de conclure de l’anthropocentricité d’un système du monde à une géocentricité ; si l’on tire cette conclusion, cela ne peut être que dans le sens d’une géocentricité morale et non physique[1]. D’ailleurs, en principe, mon système n’est nullement anthropocentrique ; il l’est seulement provisoirement jusqu’à ce que nous arrivions à connaître en dehors et au-dessus de l’humanité un autre endroit où placer l’intelligence. L’anthropocentricité n’est rien de plus qu’un moyen pratique de sortir d’embarras par la voie qui se présente la première à la vue ; au fond, mon système du monde doit être désigné comme noocentrique[2].

Leibniz savait déjà que dans la réalité, c’est-à-dire en prenant comme base la constance des atomes et des lois de la nature, le développement ne pouvait pas suivre la ligne droite, mais devait former une spirale dont les tours peuvent facilement être pris par un regard peu exercé pour des mouvements circulaires. Bahnsen est d’accord avec moi que cette extension de la circonférence ou cet allongement du rayon ne peut pas aller à l’infini ; seulement il n’en indique pas le motif d’une manière juste, quand il le cherche dans le caractère fini de la force au lieu de le chercher dans la contradiction avec le concept du développement et du but. Car la volonté de même que l’intensité du vouloir peuvent être élevées à une puissance infinie ; il en est de même de la possibilité du développement de l’Idée ; mais d’un autre côté, c’est une erreur de la part de Bahnsen de croire que l’augmentation de l’intensité absolue de la force universelle est nécessairement un corrélatif de l’extension

  1. Ce fait est complètement méconnu par l’écrit anonyme : L’Inconscient au point de vue de la physiologie et de la théorie de la descendance (p. 46-48). Reprocher à un centre sa petitesse, cela n’est guère sérieux, et entendre dire que la constitution planétaire de la terre est inconciliable avec son importance morale comme centre intellectuel, cela nous fait le même effet que produirait, par exemple, cette théorie que Londres ne peut pas être le centre politique, économique et intellectuel des Iles Britanniques, parce que cette ville est située dans le côté sud-est de l’Angleterre.
  2. Cf. Bahnsen, 6-46.