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réflexions sur le terme suprême, sur les différentes formes de l’activité humaine, et par suite sur l’importance relative, sur le rang qu’il convient d’attribuer aux études dont se compose une éducation complète. Les trois autres chapitres, Éducation intellectuelle, morale, physique, examinent, à différents points de vue, en raison de la complexité de l’être humain, les pratiques jugées les meilleures pour instruire l’intelligence, moraliser le caractère, et fortifier le corps.

La conception de la destinée, telle que M. Spencer l’esquisse au début de son livre, a des tendances utilitaires très-marquées. Son premier grief contre l’éducation réelle, c’est qu’elle sacrifie l’utile à l’agréable, c’est que dans les préoccupations communes tout ce qui concerne l’ornement, la parure de l’esprit, l’emporte sur les connaissances qui accroîtraient le bien-être et assureraient le bonheur. De même que dans l’histoire des costumes, chez les sauvages par exemple, on constate que le goût des parures a précédé l’usage du vêtement, de même, dans l’instruction, les études de luxe ont eu le pas sur les études utiles. Il en est surtout ainsi chez les femmes : chez elles la préférence est de beaucoup donnée aux qualités de pure décoration (the décorative élément). Dans sa réaction un peu vive contre les superfluités qui dans l’instruction classique se seraient à tort substituées à des études plus nécessaires, M. Spencer va jusqu’à dire : « De même que l’Indien de l’Orénoque se peint et se tatoue, de même l’enfant de nos contrées apprend le latin parce a que cela rentre dans l’éducation d’un gentleman. » Ne le prenons pas au mot : M. Spencer n’est ni un utilitaire aveugle, ni un positiviste brutal qui songe à éliminer les études désintéressées, celles qui sont le charme de la vie, d’autant plus nécessaires qu’elles paraissent plus superflues. Seulement il veut qu’on les mette à leur rang, qu’on ne leur sacrifie pas, en les investissant d’une sorte de privilège exclusif, d’autres enseignements plus essentiels, plus immédiatement utiles. Surtout il demande que l’instruction ne se réduise point, comme il arrive quelquefois, à l’apprentissage des petites élégances d’une langue morte, ou à l’étude des trivialités de l’histoire, telles que les dates de batailles, la naissance et la mort des princes.

L’utilité, c’est-à-dire l’influence sur le bonheur, tel est le critérium vrai d’après lequel doivent être appréciés, admis ou exclus, et enfin classés, les objets proposés à l’étude de l’homme comme éléments de son éducation. Il est bien entendu, d’ailleurs, que le bonheur doit être envisagé dans son sens le plus large et le plus élevé. Le bonheur ne réside pas dans la satisfaction de telle ou telle ten-