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naville. — hypothèses sérieuses

tata la réalité du fait. En 1803, il fut constaté de nouveau, en Normandie, par des témoins dignes de foi ; et de nos jours, non-seulement l’existence des aérolithes n’est plus contestée, mais l’existence de corps flottant dans l’espace joue un rôle considérable dans les théories des astronomes, puisque quelques-uns cherchent dans l’action de ces corps la cause de l’entretien de la chaleur du soleil. J’ai lu quelque part ou entendu, sans être certain du fait, qu’à la fin du siècle dernier, l’Académie des sciences de Paris avait décidé de ne plus recevoir aucun mémoire sur les pierres tombées du ciel. Cette décision rapprochée de celle relative à la quadrature du cercle, est fort instructive. Dans l’un des cas on exclut une hypothèse parce qu’elle est contraire aux lois de la raison, et cet arrêt sans doute ne sera jamais réformé ; dans l’autre cas, on exclut une hypothèse jugée impossible, sous l’influence de certaines idées expérimentales qui se sont trouvées fausses.

Il arrive quelquefois que l’on prétend exclure de la science, au nom des lois de la nature que l’on pense assez connaître pour cela, non seulement des théories, mais des faits que l’on ne veut pas même prendre la peine de constater. Je me rappelle avoir entendu un homme fort instruit, et dont la valeur scientifique était réelle, dire, en parlant de phénomènes plus ou moins mystérieux de l’ordre physiologique : « Quand j’aurais vu cela de mes propres yeux, je ne le croirais pas. » C’est méconnaître les droits de l’expérience qui prime toute théorie. La raison doit rectifier les jugements erronés qui se forment à l’occasion des perceptions sensibles, et nous empêcher, par exemple, de donner un pied de diamètre au soleil ; mais aucun raisonnement ne doit prévaloir contre une perception immédiate, ou contre un témoignage valable qui affirme la réalité de cette perception. La seule exception à faire concerne les cas d’hallucination. Un homme habitué aux recherches psychologiques, était près de la mort et le savait. Il voyait au pied de son lit des affiches de spectacles peu sérieux auxquels il avait assisté pendant sa jeunesse. Il se plaignit à ses enfants de ce qu’on plaçait de tels objets sous ses regards, dans le moment solennel où il se trouvait. On réussit à le convaincre qu’il était victime d’une hallucination, et cette conviction détruisit pour lui la valeur d’une perception fausse qui continuait toutefois à se produire. La foi au témoignage d’autrui était ici le remède à un désordre mental, et c’est le seul remède applicable à une maladie de cette espèce. Les cas de cette nature exceptés, toute perception fait loi, et on ne saurait lui opposer légitimement des préjugés scientifiques que l’on confond souvent avec la raison.

Ce qui explique, et justifie en quelque mesure, les décisions tran-