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ANALYSES. — a. de quatrefages.l’Espèce humaine.

ces êtres (produits par un simple arrêt de développement) se sont toujours montrés inféconds : « infécondité que l’on ne peut considérer comme un phénomène d’atavisme ! » La conclusion est que l’homme ne peut compter parmi ses ancêtres un type simien quelconque. Ni les singes en se perfectionnant ne se rapprochent de l’homme, ni le type humain en se dégradant ne se rapproche des singes. L’auteur emprunte cette formule à M. Bert, un savant dont le témoignage ne saurait être suspect aux transformistes.

Les idées de Wallace sont ensuite critiquées et écartées comme plus originales que logiques. On sait que ce savant explique comme Darwin la formation des espèces végétales et animales, mais fait intervenir une sorte de sélection divine toute particulière, pour produire l’homme et diriger son développement intellectuel et moral. — Enfin M. de Quatrefages, après avoir consacré quelques pages à la théorie assez obscure de M. Naudin, l’élimine comme mêlée de conceptions théologiques et ne relevant pas, par conséquent, de la science, laquelle ce ne s’occupe que des causes secondes. » Pour lui, fidèle à la méthode scientifique, s’il signale les défauts de toutes ces hypothèses, ce n’est pas pour en proposer une autre à son tour. « À ceux, dit-il, qui m’interrogent sur nos origines, je n’hésite pas à répondre au nom de la science : je ne sais pas. »

Peut-on arriver à une solution plus satisfaisante touchant l’âge de l’espèce humaine ? Mentionnant seulement pour mémoire la chronologie historique des anciens peuples, laquelle ne remonte guère au-delà de 6000 ans, l’auteur résume les recherches de l’archéologie préhistorique. Cette science a depuis longtemps mis hors de doute l’existence de l’homme à travers toute la durée de l’époque géologique actuelle. Or d’après les ingénieuses études de M. Forel sur les atterrissements du lac Léman et de M. Arcelin sur les alluvions de la Saône, sans pouvoir fixer exactement la durée de cette époque géologique, on peut affirmer à peu près à coup sûr qu’elle a commencé il n’y a guère moins de cent mille ans.

Mais l’homme n’est pas seulement contemporain de l’époque quaternaire ; on a trouvé ses traces authentiques jusque parmi les terrains miocènes, en plein âge tertiaire. Ainsi l’homme aurait traversé, outre l’époque quaternaire, l’époque pliocène en entier. Pourquoi ne le trouverait-on pas plus loin encore ? « Les conditions d’existence qui ont suffi aux autres mammifères ont dû lui suffire de même ; là où ils ont vécu il a pu vivre. Il peut donc avoir été le contemporain des premiers mammifères et remonter jusqu’à l’époque secondaire. » Si on demande comment, dans cette hypothèse, il aurait résisté aux causes de destruction qui ont anéanti tant d’espèces, c’est qu’on oublie l’intelligence humaine. Ne s’est-il pas défendu par le feu contre le froid de l’époque glaciaire ? Puisqu’il a été le contemporain de mammifères qui n’ont pas même vu l’aurore de l’époque actuelle, pourquoi n’aurait-il pas survécu aussi à d’autres espèces de la même classe, assisté à d’autres