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ANALYSESh. spencer. — Principes de Sociologie.

par une autre, à laquelle il va se. borner, savoir « l’évolution des sociétés humaines quant à leurs accroissements, à leur structure, à leurs fonctions et à leurs produits. » Même restreinte de la sorte, combien vaste encore est cette étude ! On en pourra juger par la simple énumération des « données de la sociologie ».

Les « facteurs des phénomènes sociaux » sont extrinsèques ou intrinsèques ; car la manière dont se comporte une société, comme un individu, comme tout objet, même inanimé, dépend en partie de ses propres forces, c’est-à-dire de sa nature intime, en partie des forces auxquelles elle est exposée et des actions environnantes. Ainsi un morceau de métal reste à l’état solide ou passe à l’état liquide, d’une part en raison de la nature de ses molécules, d’autre part en raison des ondes de chaleur qui le frappent.

Ces deux groupes de facteurs des faits sociaux se subdivisent à leur tour.

Les facteurs extrinsèques sont inorganiques ou organiques. Du premier genre sont le climat, chaud, froid ou tempéré, humide ou sec, etc. ; la configuration uniforme ou variée du sol et sa fertilité plus ou moins grande. Du second genre : l’abondance et la qualité des productions végétales, en un mot la flore du pays ; — puis la faune, c’est-à-dire les animaux, nombreux ou rares, utiles ou nuisibles.

Les facteurs intrinsèques sont les caractères physiques et moraux des individus, leur sensibilité plus ou moins vive, leur naturel, leur plus ou moins d’intelligence : toutes choses qui contribuent à déterminer l’accroissement et l’organisation de la société, à favoriser, empêcher ou modifier son action, à la faire stable et paisible, ou sujette aux révolutions.

Mais ce ne sont là que les facteurs premiers des faits sociaux ; restent de nombreux facteurs secondaires ou dérivés, que met en jeu l’évolution sociale elle-même.

En premier lieu, l’action d’une société modifie peu à peu même son milieu inorganique ; ainsi le drainage, le déboisement, altèrent profondément le climat, rendent salubres et fertiles des contrées marécageuses, ou arides au contraire des contrées déjà sèches.

Ensuite, la flore et la faune d’une région subissent de graves changements sous l’action de la société qui occupe cette région : substitution des plantes utiles aux plantes inutiles, et des meilleures variétés aux moins bonnes, importation de plantes nouvelles ; destruction des espèces animales nuisibles, perfectionnement des espèces utiles, acclimatation d’espèces étrangères. Aux forêts hantées des loups et aux solitudes stériles succèdent les champs couverts de moissons et de troupeaux. C’est ainsi que le progrès même d’une société amène dans son milieu de profondes transformations, lesquelles deviennent à leur tour un facteur très-important de l’évolution.

Un autre facteur secondaire que l’on ne doit pas négliger, est l’accroissement du groupe social en étendue et (cela est presque insépa-