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analyses. — froschammer. Die Phantasie, etc..

servir de devise à la science moderne. Mais, quelque plaisir qu’il éprouve à suivre le jeu varié des apparences, malgré lui, l’homme tournera la tête vers le soleil, vers la pleine lumière, qu’il veut contempler en face, dût-il en garder l’éblouissement et retrouver toutes choses ici-bas ternes et assombries.

On reviendra donc à la métaphysique, « et à la partie la plus importante de la métaphysique, à la théologie rationnelle. Mais, avant d’aborder cette dernière œuvre, il faut, sans sortir de la nature visible, compléter la science trop exclusivement mécaniste, montrer que même les phénomènes ne peuvent être expliqués par les seules lois physiques, qu’un principe plus élevé, immanent à l’univers, est nécessaire pour rendre compte des faits que nous constatons dans le monde des corps et dans le monde des esprits. » Par ces quelques lignes, M. Froschammer détermine nettement l’objet qu’il se propose. Il ne spécule pas sur l’existence de Dieu, sur l’Être éternel, sur le principe premier des choses ; il ne cherche pas à sortir de la nature, à s’échapper dans les régions de l’abstrait ou de l’idéal ; volontairement il s’enferme dans la réalité phénoménale. Il assiste au drame qui se joue sous nos yeux, « et il cherche l’acteur invisible, mais présent, qui derrière les coulisses introduit et fait mouvoir, sur la scène du monde, la suite infinie des événements qui passent. » En un mot, étant donnée la pièce à laquelle nous assistons, n’est-il pas nécessaire d’admettre qu’elle n’est pas jouée par des automates qui se bousculent ? qu’une même pensée préside aux mouvements qui se succèdent ? On objectera que c’est une conception de « cause-flnalier », qu’à ce titre elle ne mérite même pas d’être discutée, et qu’elle se condamne en se formulant, puisqu’elle nie la science en niant le mécanisme absolu. M. Froschammer prévoit cette objection et la prévient[1]. D’abord le mécanisme n’est pas encore établi démonstrativement ; il reste à l’état d’espérance, de préjugé même, contre lequel il est permis de s’inscrire en faux. En second lieu, est-il évident que l’homme ait tort de juger la nature d’après lui-même ? de lui attribuer la finalité, qui est la loi de son action ? Qu’est-ce que l’homme ? ne fait-il pas partie du développement des choses ? n’est-il pas compris dans l’être universel ? ce qu’il pense, ce qu’il fait, n’est-ce pas ce que pense et ce que fait la nature en lui et par lui ? Si l’homme juge et agit d’après des fins, la nature n’est pas, par essence, étrangère à la finalité, puisque, dans sa créature la plus élevée, elle réalise ce mode de juger et d’agir[2].

Nous n’acceptons pas l’arrêt des savants qui proscrivent l’imagination et les causes finales, qui ne reconnaissent d’autorité que celle de l’entendement, d’explications que celles par les causes efficientes. Autrefois, tout était conçu à l’image de l’homme ; est-ce à dire que l’homme doive s’oublier lui-même et se confondre dans le mécanisme universel ?

  1. Froschammer, préface, p. viii, ix.
  2. Préface, p. xiv et xv,