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point encore trouvé l’origine. L’examen des divers moyens par lesquels des manifestations spontanées d’émotion donnent naissance à des observances cérémonielles, nous fera trouver cette idée moins improbable.

La brebis qui bêle après son agneau qui s’est éloigné d’elle, et qui flaire tantôt l’un tantôt l’autre des agneaux qui sont près d’elle, et qui, à la fin, à l’odeur ; reconnaît le sien qui accourt, cette brebis éprouve sans doute à ce moment une impression de sentiment maternel satisfait ; grâce à la répétition, il s’établit entre cette odeur et ce plaisir une association en vertu de laquelle, la première impression produit la seconde : l’odeur devient, en toute occasion, agréable, en ce qu’elle sert à amener, dans la conscience, plus ou moins de l’émotion philoprogénitive. La Bible nous fournit la preuve que chez certaines races d’hommes on reconnaissait les individus à l’odeur. Isaac, dont les sens étaient affaiblis par l’âge, ne parvenait pas à distinguer ses fils l’un de l’autre ; ne pouvant voir Jacob, et embarrassé du témoignage contradictoire de la voix et des mains de son fils, « il flaira l’odeur de son vêtement, et le bénit. » Ce fait montre que chez les Hébreux on reconnaissait que différentes personnes, même les membres de la même famille, avaient une odeur particulière. Nous trouvons chez une autre race asiatique la preuve que la perception de l’odeur d’une personne chérie donne du plaisir. « Il sentait de temps en temps la tête de son fils, écrit Timkowski, à propos d’un père mongol, marque de tendresse paternelle en usage chez les Mongols, pour qui elle tient lieu d’embrassement. » Chez les Indiens des îles Philippines, dit Jagor, « le sens de l’odorat est tellement développé, qu’ils peuvent, en sentant un mouchoir de poché, dire à quelle personne il appartient (Reisesk, p. 39) ; des amants au moment des adieux échangent des morceaux du linge qu’ils portent, et pendant leur séparation, ils respirent l’odeur de l’être bien-aimé, en couvrant leur relique de baisers. » Il en est de même des gens de Chittatong Hill. Lewin nous dit qu’ils ont « une façon particulière de baiser. Au lieu de presser les lèvres sur les lèvres, ils collent la bouche et le nez sur la joue et font une forte inspiration. Ils ne disent pas fais-moi un baiser, mais flaire-moi. » Or, remarquez l’enchaînement. L’inhalation de l’odeur émise par une personne aimée, devient une marque d’affection pour l’homme ou pour la femme, et comme les hommes désirent plaire et aiment à recevoir le témoignage du goût qu’ils inspirent, il arrive que l’accomplissement de l’acte, qui signifie avoir du goût pour une personne, donne naissance à une observance de politesse, et à certaines manières de témoigner du respect. La manière de saluer des Samoans se fait par « juxtaposition des nez, accompagnée non d’un frottement, mais d’une